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Joachim Bouflet
La Lévitation
Le jardin des Livres
Paris
Du même auteur :
- Agnès de Langeac, Paris, DDB, 1994.
- La stigmatisation, réédition critique de l'ouvrage d'Antoine Imbert-Gourbeyre, Grenoble, Jérôme Million, 1996.
- Les stigmatisés, Paris, Le Cerf, 1996.
- Un signe dans le ciel, les apparitions de la Vierge ( avec Philippe Boutry ), Paris, Ed. Grasset, 1997.
- Les apparitions de la Vierge, Paris, Ed. Calmann-Lévy, 1997.
- Edith Stein, philosophe crucifiée, Paris, Presses de la Renaissance, 1998.
- Thérèse Neumann ou la paradoxe de la sainteté, Paris, Ed. du Rocher, 1999.
- Eugènie Joubert, une force d'âme, Paris, Ed. Saint-Paul, 1999.
- Guide des lieux de silence, le Livre de Poche, 2000
- Medjugorje ou la fabrication du surnaturel, Paris, Ed. Salvator, 1999.
- Les faussaires de Dieu, Paris, Presses de la Renaissance, 2000.
- Padre Pio, Paris, Presses de la Renaissance, 2002
- Encyclopédie des Phénomènes Extraordinaires de la Vie Mystique Tome 1, Paris, Ed. Le jardin des Livres, 2001.
- Encyclopédie des Phénomènes Extraordinaires de la Vie Mystique Tome 2, Paris, Ed. Le jardin des Livres, 2002.
- Les Anges et leurs Saints, Le jardin des Livres 2004
Site Internet éditeur : www.lejardindeslivres.fr
vous pouvez télécharger 1400 pages d'extraits
© 2006 Joachim Bouflet
Editions Le jardin des Livres ®
14 rue de Naples, Paris 75008
ISBN : 2-914569-27-0 EAN : 9782 914569 279
Toute reproduction, même partielle par quelque procédé que ce soit, est interdite sans autorisation préalable. Une copie par Xérographie, photographie, support magnétique, électronique ou autre constitue une contrefaçon passible des peines prévues par la loi du 11 mars 1957 et du 3 juillet 1995, sur la protection des droits d'auteur.
Avant-propos
Si doté de raison que soit l'homme, il lui arrive de ne pas garder les pieds sur terre. Et ce non seulement au sens figuré que, d'emblée, suggère cette expression courante. En effet, il est certaines personnes qui, dans des circonstances particulières, sont capables de se soulever du sol. Cela n'existe pas seulement dans les romans ou les contes de fée, mais dans la réalité la plus concrète, sinon la plus banale.
On nomme ce phénomène lévitation ( du latin levitas, légèreté ). Le mot a été inventé dans le dernier quart du XIXe siècle par les Anglais, c'est dire combien sa signification est vague. Pour nos voisins d'outre-Manche, il recouvrait ( recouvre toujours ) toutes sortes de manifestations qui présentent pour dénominateur commun la suspension d'un corps dans le vide, quelle qu'en soit la cause : ainsi, un hélicoptère en vol est en lévitation, de même qu'un objet flottant en apesanteur dans un caisson d'isolation, ou une feuille de papier soulevée à distance par un médium.
Plus tard, le terme est entré dans le langage scientifique. Il désigne, en physique, une technique permettant de soustraire un corps solide à l'action de la pesanteur grâce à divers procédés : ainsi, on peut soulever des objets par action électrostatique ou électrodynamique, par le magnétisme, les ultrasons, ou encore à l'aide de rayons laser, en vue d'applications dans l'industrie. Si la NASA ou la General Motors ont renoncé à poursuivre leurs tests de magnétisme électrique, qui se sont révélés peu concluants à grande échelle, la NASA maintient toujours métaux et verres en lévitation dans des caissons sous vide pour éviter leur contamination par des agents extérieurs. Si la lévitation acoustique en est encore au stade expérimental des chercheurs de la North Western Polytechnical University de Xi'an, en Chine, ont réussi à soulever de petites quantités de mercure en utilisant des ultrasons , la lévitation magnétique semble en revanche promise à un bel avenir surtout dans les technologies de pointe, où l'on utilise notamment la force de puissants électro-aimants pour actionner des ascenseurs et, en Allemagne et au Japon, pour propulser des trains appelés justement trains maglev ( abréviation de l'anglais magnetic levitation ), dont les prototypes qui circulent au-dessus d'un rail sans le toucher, auraient atteint des vitesses de plus de 500 km/h. Plus modestement, dans un laboratoire de Nimègue, aux Pays-Bas, des biologistes sont parvenus à faire léviter une grenouille vivante en l'immergeant dans un champ magnétique d'une énorme intensité : il n'est pas précisé si la rainette a apprécié le voyage, ni dans quel état elle en est revenue. Suivant que l'on utilise telle ou telle propriété des aimants, ou bien les deux ( attraction/répulsion ), on parle de lévitation monopolaire ou de lévitation diamagnétique. Pour être complet, il faudrait encore citer la lévitation thermodynamique qui, comme l'indique son nom, utilise la chaleur : l'exemple le plus courant en est celui de la plume, du fétu de paille ou du morceau de papier, qui flotte en l'air soulevé par un courant d'air chaud presque imperceptible.
Si intéressants que soient les résultats de ces techniques, ces dernières sont très éloignées du sujet que je me propose d'aborder dans ces pages : la lévitation du corps humain. Aborder, car le domaine est si vaste qu'il faudrait plusieurs livres pour l'explorer à fond, en étudiant les faits cas par cas. Et ce pour l'Europe occidentale uniquement. Le Larousse en donne la définition suivante :
Lévitation : Phénomène selon lequel certains êtres seraient soulevés du sol et s'y maintiendraient sans aucun appui naturel 1.
Définition défectueuse, n'en déplaise à messieurs de l'Académie : que représente l'y de s'y maintiendraient ? Grammaticalement, le sol... ce qui ôte à l'explication toute cohérence. Il eût fallu écrire : et se maintiendraient ainsi, ou bien et se maintiendraient en l'air.
La lévitation est un phénomène qui permet au corps de vaincre ou de dominer la loi de la gravité, de façon à se soulever ou à être élevé au-dessus du sol, et à rester plus ou moins longtemps suspendu dans le vide sans appui. Signalée dans l'hagiographie et dans l'histoire des religions, elle l'est aussi dans le spiritisme et la parapsychologie. Et encore dans le folklore de l'Italie méridionale, où la levitazione est le nom d'une figure de la fameuse danse appelée tarentelle ( tarantella ) parce qu'on en attribuait l'origine à la morsure de la tarentule : les anciens croyaient que le venin de cette araignée déclenchait chez ceux qui en étaient victimes des réactions spasmodiques les faisant bondir en l'air.
Sans conteste, le cas de lévitation le plus connu du grand public a été longtemps celui qui illustre les aventures de Tintin au Tibet, ce qui a laissé croire aux lecteurs que le prodige est propre aux religions orientales, et en l'occurrence plus exactement ( pour les spécialistes ) au bouddhisme spéculatif Mahâyâna ou Grand véhicule. C'est ignorer qu'il est attesté en Occident aussi, et ce depuis l'Antiquité classique, et qu'il n'appartient pas seulement à l'univers fantastique d'Harry Potter, dont les aventures ont été portées à l'écran voici peu. A ce propos, il est intéressant de noter que plusieurs films mettent en scène des faits de lévitation, de Peter Pan à La Guerre des étoiles, en passant par Mary Poppins, sans oublier les trois oeuvres du cinéaste soviétique Andreï Tarkovski Solaris ( 1972 ), Le Miroir ( 1974 ), Le Sacrifice ( 1986 ) dans lesquelles revient, récurrent, le même thème. Au cinéma, la lévitation n'est pas seulement de l'ordre de la science fiction, elle relève aussi de la poésie et de la symbolique, retrouvant par là sa signification.
S'inspirant également du phénomène, les illusionnistes les plus fameux ont su donner à leur public grâce à des jeux de miroirs et des effets de lumière relevant de ce que l'on appelle communément des tours de magie l'impression qu'ils étaient capables de s'élever sans appui au-dessus du sol et de flotter dans les airs. Les spectateurs savent qu'il n'en est rien, en réalité, mais volontiers se laissent prendre par le caractère insolite de la prestation, qui renvoie au mythe des hommes volants cher à l'imaginaire collectif. Galvaudée, donc, la lévitation ? Non, mais détournée et exploitée sans malice. Dans les modestes représentations de la plus ringarde des fêtes de village, le magicien de service propose souvent un numéro qu'il qualifie de lévitation : trois personnes de l'assistance sont invitées à le seconder pour soulever comme une plume un volontaire qui accepte de se prêter au jeu et, placés tous les quatre de part et d'autre du sujet allongé sur une table ou sur des tréteaux, chacun glisse l'index et le majeur sous une des aisselles ou un des genoux de ce dernier. A un signal donné, tous le soulèvent ensemble, apparemment avec la plus grande facilité, les doigts seuls semblant fournir un effort et donnant l'impression que le sujet est devenu léger   sont les muscles des bras et des épaules qui sont sollicités. Bien-sûr, il ne s'agit pas de lévitation au sens strict du terme, mais de l'adaptation d'un jeu naguère en vogue dans les collèges anglais ou les camps scouts, où le groupe portait un des siens à bout de bras, chacun des participants se retirant tour à tour jusqu'à ce qu'ils ne restent plus que quatre ou même trois à maintenir le sujet soulevé en l'air.
Dans le domaine religieux, la lévitation proprement dite est beaucoup plus discrète, pour peu qu'elle existe. Si des associations pieuses affrètent charters et trains spéciaux pour transporter des hordes de pèlerins sur tel ou tel lieu où est censée apparaître la Vierge Marie, il n'existe pas d'organisation similaire qui conduise les excités du merveilleux auprès d'un gourou planant. En fait, si un seul cas était avéré de lévitation fréquente, voire à dates régulières et en public comme nombre de mariophanies contemporaines, cela se saurait  médias s'en empareraient, et c'est par milliers que curieux et dévots se précipiteraient pour s'en extasier, de même que l'invincible armada des sceptiques qui chercheraient à démasquer l'imposture. On proposerait aux mystiques lévitants des ponts d'or encore plus massifs que ceux, déjà conséquents, que l'on fait à certains visionnaires pour qu'ils viennent à domicile gratifier du spectacle de leurs prétendues apparitions, ou de leurs soi-disant stigmates, des foules de fidèles trop crédules.
Est-ce à dire que la lévitation, comme phénomène d'ordre spirituel quant à ses causes, n'existe pas, et que les Anglais n'auraient, en fin de compte, inventé le terme comme les écossais le monstre du Loch Ness, dont on parle d'autant plus volontiers qu'on ne le voit guère , qu'à des fins purement commerciales ? Assurément, non. Mais il est, en matière de spiritualité, un principe énoncé déjà au XVIIe siècle par saint François de Sales, et toujours valable : « Le bien fait peu de bruit, le bruit fait peu de bien ». Par définition, l'expérience mystique se déroule dans le secret qu'exige le caractère intime de la relation entre l'homme et le divin  ponctuent ne sont que des épiphénomènes, et pour peu qu'elles soient portées à la connaissance du public, elles deviennent le plus souvent source de difficultés et cause de tracasseries pour celui ( celle ) qui en est l'objet : dans un passé récent, les accusations d'hystérie et les persécutions qu'eurent à subir Padre Pio ou Theres Neumann à cause des faits extraordinaires qui signalaient leur vie, en sont des exemples devenus classiques2. Aussi n'y a-t-il rien de surprenant à ce que les personnes sujettes à d'authentiques lévitations s'efforcent de les cacher aux regards extérieurs... et que l'étude en soit rendue parfois difficile.
~ 1 ~
Des Cas Célèbres
Lorsqu'un spécialiste des phénomènes psychiques aborde la question de la lévitation humaine, il évoque presque inévitablement Joseph de Copertino ( 1603-1663 ), originaire de la Pouille, en Italie méridionale. Non, certes, parce que c'est un saint catholique, mais parce qu'il est sans conteste le cas le plus étonnant de lévitation que l'on connaisse à ce jour, de surcroît le mieux documenté et le plus solidement attesté : ce n'est pas sans raison qu'on l'a surnommé de son vivant le frère volant et, après sa canonisation, le saint volant. A l'évidence, il représente, dans l'histoire universelle de la psychokinèse comme dans l'hagiographie chrétienne, une illustration unique de la lévitation, tant par le nombre et la durée de ses élévations au-dessus du sol, que par la variété de formes que celles-ci empruntent. En outre, le théologien et l'historien de la spiritualité s'intéresseront à la connexion entre les étapes du cheminement intérieur du mystique et l'évolution des phénomènes extraordinaires auxquels il est sujet.
La production de phénomènes corporels extraordinaires n'est pas une exclusivité de la mystique chrétienne3. La lévitation se retrouve dans diverses religions et même hors de tout contexte religieux, notamment dans le cadre de séances de médiumnité qui, depuis le XIXe siècle, l'ont portée à la connaissance du grand public. Le médium le plus célèbre de tous les temps est sans doute Daniel D. Home : les manifestations insolites que l'on porte à son crédit ont amené ses admirateurs à le présenter comme l'égal, dans le monde médiumnique, de saint Joseph de Copertino dans l'hagiographie. Même un esprit aussi positif que Charles Richet n'hésite pas à faire l'amalgame :
Ces faits étranges de lévitation, qu'il s'agisse de saint Joseph de Copertino, de Stainton Moses ou de D. Home, méritent d'être retenus. Et pourtant, malgré l'autorité et le nombre des témoignages, il ( me ) paraît que la science, l'inexorable science, n'a pas encore le droit de considérer présentement la lévitation comme un phénomène démontré4.
Toute la question est là : la lévitation se démontre-t-elle, a-t-elle été démontrée scientifiquement chez des êtres humains, qu'ils soient des mystiques ou non ? Une étude comparative des faits attestés chez saint Joseph de Copertino et chez Daniel D. Home permet, sinon de répondre entièrement à la question, du moins de proposer, à partir de faits observés par de nombreux témoins dont il serait téméraire de mettre en doute la bonne foi, les éléments d'une réflexion sur le phénomène.
~ Le Saint Volant
Les faits relatifs à saint Joseph de Copertino ont été étudiés dans le cadre exigeant de la procédure qui aboutit à sa canonisation en 1767. Par chance, celui que l'on appelle aujourd'hui le promoteur de justice l'avocat du diable était alors le cardinal Prospero Lambertini, réputé pour sa probité intellectuelle et sa rigueur scientifique : confronté aux prodiges attribués au serviteur de Dieu, il multiplia les objections et fit mener sur chaque point une enquête d'une extrême précision, qui parfois dura plusieurs mois. Non qu'il voulût empêcher la cause d'aboutir  contraire, il entendait bien, en se gardant de toute concession à l'enthousiasme et à l'imagination des témoins, ne retenir que les faits dûment établis, donc susceptibles d'être attribués à une cause surnaturelle. C'est lui qui, devenu pape sous le nom de Benoît XIV, béatifia Joseph en 1753. Dans son célèbre ouvrage sur les béatifications et canonisations, il fît des lévitations du futur saint un cas d'école :
Alors que je remplissais la charge de promoteur de la Foi, la cause du vénérable serviteur de Dieu, Joseph de Copertino, vint en discussion devant la Sacrée Congrégation des Rites. Après mon départ, on parvint à une conclusion favorable : dans cette cause, des témoins oculaires, d'une honnêteté indiscutable, attestèrent les fameuses élévations au-dessus du sol et les vols prolongés du serviteur de Dieu sus-nommé, alors qu'il était ravi en extase5.
Les actes du procès de canonisation sont devenus pratiquement introuvables il ne reste que deux exemplaires connus de la Positio avec le Summarium6, mais ils ont été utilisés largement et avec bonheur par les biographes du saint : Angelo Pastrovicchi écrivit sur l'ordre de Benoît XIV la Vita qui fut insérée dans les Acta Sanctorum des Bollandistes7, et Domenico Bernino, évêque d'Osimo ( ville où mourut Joseph ) rédigea une vie plus accessible au grand public8. Les ( longues ) citations de l'un et de l'autre auteur, empruntées aux actes du procès, se recoupent à la virgule près.
Les actes du procès de canonisation en ont retenu plus de soixante-dix exemples, parmi les mieux attestés, dans la seule ville de Copertino ou dans les environs. Or Joseph a quitté la cité en 1639. Transféré par ordre de l'Inquisition au monastère d'Assise, il y resta quatorze ans et y eut ses extases les plus remarquables  un séjour de quatre ans chez les capucins de Pietrarubbia, dans les Marches, il finit ses jours parmi ses frères conventuels à Osimo toujours dans les Marches en 1663, au terme de six années passées « au secret » sur ordre exprès du pape Alexandre VII.
~ Abandonne-toi...
Répondant à une vocation rudement contrariée, Giuseppe Maria Desa a été reçu enfin chez les frères mineurs conventuels de la Grottella, ermitage sis à un jet de pierre de Copertino, son village natal. Au terme de cinq années de vie religieuse, il est ordonné prêtre en 1627, par miracle, dira-t-il plus tard : en effet, ignorant, maladroit et timide, il aurait été tout à fait incapable de passer l'examen requis pour l'admission au sacerdoce. Or, par un providentiel concours de circonstances, l'âne tel est le surnom que lui-même se donne a été dispensé in extremis de l'épreuve. Il a 27 ans. Pendant deux ans, il connaît une grave crise spirituelle : inapte aux études, malgré ses efforts et sa bonne volonté, sans cesse repris par les frères, découragé à cause de ses propres manquements à la Règle, il doute de lui-même, de sa vocation, de son salut. Pour l'humilier, ses supérieurs lui refusent une bure neuve quand la sienne est en loques, lui faisant bien sentir qu'il n'est pas digne de porter l'habit franciscain. Près de céder au désespoir, il se retire en larmes dans sa cellule, et voici qu'un mystérieux personnage dépose sur le rebord de la fenêtre une tunique propre, parfaitement coupée à sa mesure. C'est la fin de l'épreuve.
Peu
importent désormais les avanies qu'il subit de la part de ses
frères, le mépris que manifestent ses maîtres
face à son ignorance, il a retrouvé la paix intérieure
et, avec elle, la joie. Sa prière, désormais sereine,
se fait silencieuse et admirative contemplation de la miséricorde
de Dieu, de la tendresse maternelle de la Vierge Marie qui,
avouera-t-il plus tard sans autre précision, lui « accorde
des grâces continuelles ». Au réfectoire,
la lecture des vies des saints l'enthousiasme, il veut imiter leurs
vertus, prend exemple sur eux pour se livrer en secret à la
pénitence, se retire dans la proche chapelle abandonnée
dédiée naguère à sainte Barbe, s'y
infligeant à l'abri des regards de sanglantes flagellations.
On remarque qu'il s'intériorise, évitant non seulement
les conversations avec les visiteurs de passage au couvent, mais
encore les paroles inutiles dans la communauté, où la
règle du silence est quelque peu malmenée. Pendant les
repas, il est tellement attentif à la lecture spirituelle
qu'il en oublie de manger, on le voit en larmes, perdu dans ses
pensées. Un jour, tandis que le supérieur lit un texte
sur l'Incarnation du Verbe, Joseph sent son coeur comme
« traversé par un poignard
Le
4 octobre, fête de saint François d'Assise, Joseph se
rend chez les clarisses pour la célébration des vêpres.
Tandis que les fidèles se rangent en procession, il arrive,
prêt à exposer le Saint-Sacrement. Soudain,
l'admiration
des religieux et des habitants de Copertino ne fut pas mince, quand
ils le virent, revêtu de la chape, s'envoler jusqu'à la
chaire, haute de quinze palmes, et se poser sur le rebord où
il resta longtemps agenouillé, les bras en croix9.
Le
fil s'est rompu, qui rattachait encore Joseph à la terre. On
imagine la stupeur, puis l'enthousiasme de la foule, qui l'a vu
soulevé du sol par une force invisible et volant telle une
flèche au-dessus des têtes pour s'aller percher sur le
rebord de la chaire ! Quant à lui, horrifié par ce
qui lui arrive, il se lamente : qu'attend le Très Haut de
lui, pauvre frère, prêtre ignorant, sans aptitudes,
rempli de misères ? Une voix intérieure lui
répond, qui n'admet point de réplique :
Déjà
tout le peuple a remarqué tes extases, et tous savent que tu
fais pénitence. Alors, abandonne-toi, laisse-toi déposséder
de tout vouloir propre10!
Il
n'est plus que d'accepter la volonté de Dieu...
~ Le
fracas de la détonation...
A
partir de ce 4 octobre 1630, les lévitations sont fréquentes
et spectaculaires. Joseph est tout à fait conscient du
phénomène. Il s'évertue tant bien que mal sans
réel succès à le cacher à
son entourage. Il le sent venir avec l'extase et ne peut y résister :
Quand,
dans le fusil, la poudre s'embrase, elle projette à
l'extérieur la décharge, dans le fracas de la
détonation. Ainsi en est-il du coeur extatique, embrasé
par l'amour de Dieu 11.
Chaque
jour, quand il célèbre la messe, il est ravi hors de
lui au moment de la consécration 
alors du sol, ne touchant plus terre que par l'extrémité
de l'orteil. Il reste dans cette position que l'on
pourrait qualifier de semi-lévitation
jusqu'après la communion. Il lui arrive aussi d'être
soulevé entièrement, semblant flotter au ras du sol.
En
dehors de la messe, le phénomène est causé par
les événements les plus anodins, la vue d'une image de
dévotion, un chant religieux, la beauté d'une fleur, la
parfaite géométrie d'un oursin, la texture d'une
feuille de cerisier... tout est prétexte à ravissement.
Frère Joseph pousse un cri, tombe aussitôt en extase,
est enlevé d'un coup. Extase et lévitation sont
étroitement liées. Il effectue alors de véritables
vols, pour aller se poser sur un autel ou une corniche, sur un
meuble, sur le premier point d'appui venu :
En
ma qualité de pâtre, je gardais les troupeaux aux abords
de la Grottella. La veille de Noël, frère Joseph vint
nous trouver, moi et les autres bergers de la plaine, et nous
demanda : « Ne voulez-vous pas, la nuit prochaine,
venir jouer de vos musettes dans l'église de la Grotella, en
signe de joie pour la naissance de Jésus-Christ ? ».
A cette invitation, les bergers et moi, en grand nombre, nous nous
réunîmes avec nos fifres et nos hautbois. Frère
Joseph vint à notre rencontre, tout joyeux. Nous pénétrâmes
ensemble dans l'église, lui en tête, nous derrière,
vers dix ou onze heures du soir, jouant dans la nef d'une multitude
de fifres et de musettes. Nous vîmes alors frère Joseph
se mettre à danser dans la nef au son de notre musique, tant
il était joyeux. Tout à coup, il soupira et poussa un
grand cri 
et, du milieu de l'église, il vola comme un oiseau jusqu'au
maître-autel, où il embrassa le tabernacle. Or, du
milieu de la nef jusqu'à l'autel, la distance est de quelque
cinquante cannes. Mais le plus beau de l'affaire est que, l'autel
étant couvert de flambeaux allumés, frère Joseph
vola, se posa au milieu des flambeaux sans renverser une bougie ni un
chandelier. Il resta ainsi sur l'autel, agenouillé et serrant
le tabernacle dans ses bras, un quart d'heure environ 
quoi il descendit de l'autel, sans l'aide de personne, ne dérangeant
rien. Il s'éloigna de nous, les yeux et les joues baignés
de larmes, nous disant : « Mes frères, c'est
assez, soyez bénis pour l'amour de Dieu ! »
Nous étions tous effrayés de dévotion ( sic )
et fort étonnés. Je me dis intérieurement :
« C'est certainement un miracle12».
Semblables
incidents se produiront jusqu'à la fin de son existence, et
dans les circonstances les plus délicates de sa vie
religieuse :
La
cité de Naples resta également en admiration devant ses
rapts prodigieux 
par ordre de l'inquisiteur et célébra la messe dans
l'église Saint-Grégoire-l'Arménien, qui
appartient aux moniales de San Ligorio. Là, après avoir
poussé un grand cri, il s'élança de l'endroit où
il récitait ses prières et vola jusqu'à l'autel,
où il se posa, les bras en croix, parmi les fleurs et les
cierges allumés, si bien que les religieuses se mirent à
hurler : « Il va brûler ! Il va
brûler ! » 
un grand cri, revint du même vol jusqu'au milieu de la nef où
il se posa doucement à genoux, sans aucun mal, chantant :
« Ah, bienheureuse Vierge ! Ah, bienheureuse
Vierge !13».
Où
qu'il se pose, il ne dérange ni ne renverse jamais rien. On le
voit ainsi retomber en douceur sur une table encombrée de
fioles et de pots de pharmacie au chevet d'un malade, sans même
effleurer un seul des récipients. Parfois, quand il est en
plein air, il va se percher sur un arbre comme un oiseau :
Un
jour, comme un prêtre lui disait : « Frère
Joseph, quel beau ciel Dieu a fait ! », il s'envola
sur un olivier, restant agenouillé sur une branche durant une
demi-heure. Et, chose stupéfiante, on voyait la branche
osciller comme si un oiseau eût été posé
dessus 14.
Une
autre fois, c'est un amandier qui le reçoit :
Comme
il était monté sur une terrasse, le religieux prêtre
qui l'accompagnait lui désigna du doigt la coupole du fameux
sanctuaire de Notre-Dame de Lorette, que l'on voyait au loin.
S'immobilisant, Joseph lui demanda, l'air surpris : « Voyez-vous
ces anges qui descendent du ciel, et qui vont et viennent autour de
cette sainte maison ? ». Disant et répétant
ces paroles, il poussa son cri habituel, tomba en extase et vola sur
une hauteur de douze bonnes palmes jusqu'à un amandier situé
à six jets. C'était le dixième jour de juillet
1657, où on célébrait les vêpres de saint
Joseph dans le couvent de Saint-François des frères
mineurs conventuels, à Osimo15.
Dans les premiers temps, à la Grottella, des centaines de
fidèles et de curieux viennent s'édifier au spectacle
des lévitations de celui que déjà on n'appelle
plus que le frère volant. Parfois ils sourient :
Joseph a perdu ses sandales pendant son essor, ou bien il ne parvient
pas à descendre de l'arbre sur lequel il a abouti. De telles
scènes, plus cocasses qu'édifiantes, n'ont pas l'heur
de plaire aux autorités religieuses, quand bien même le
bon peuple s'en réjouit. Le trouble qu'apportent ces
extravagances au réfectoire ou au choeur, le
désordre qu'elles engendrent durant les célébrations
religieuses, amènent les supérieurs du moine à
prendre contre lui des mesures répressives : exclusion de
certains exercices de la communauté, interdiction de
participer aux cérémonies liturgiques. Signes
avant-coureurs de persécutions. Il en souffre, se soumet.
~ Sois
dans la joie...
Parmi
les particularités de Joseph de Copertino en ses lévitations,
la plus intéressante est la faculté qu'il a d'entraîner
avec lui objets et personnes. Un épisode bien connu
mais discuté est celui de la croix que ses confrères
veulent ériger sur un monticule proche de la Grottella :
Deux
croix étaient déjà placées, mais dix
personnes unissant leurs efforts ne pouvaient déplacer la
troisième : elle était fort lourde et mesurait
cinquante-quatre paumes de haut. Voyant cela, Joseph, plein d'ardeur,
vola de quatre-vingt pas de la porte du couvent jusqu'à la
croix. Il souleva celle-ci comme si c'était une plume, et la
plaça dans le trou creusé pour la recevoir. Ces croix
étaient l'objet d'une spéciale dévotion de sa
part et, d'une distance de dix ou douze pieds, il s'élevait
jusqu'à l'un des bras au sommet de la croix, attiré par
son Sauveur crucifié 16.
Les
témoignages recueillis plus de trente ans après
l'incident divergent, il est vrai, sur des points de
détail, notamment les distances. Mais peut-on en conclure,
comme le fait Herbert Thurston, que tout n'est qu'imagination17?
D'autres incidents plus spectaculaires sont dûment attestés,
notamment l'enlèvement de Baldassare Rossi :
Un
certain homme noble, dément et fou furieux, fut amené à
Joseph lié sur une chaise, afin que le frère implorât
de Dieu sa guérison. Joseph le détacha et le fit
agenouiller dans le sanctuaire et, debout devant lui, lui imposa les
mains sur la tête en disant : « Seigneur
Baldassare, ne crains rien, recommande-toi à Dieu et à
sa très Sainte Mère ! » Disant cela, il
le prit par les cheveux et, tombant en extase après avoir
poussé son cri habituel, il s'éleva de terre, emportant
avec lui Baldassare, qu'il tenait toujours par les cheveux 
l'ayant soutenu ainsi quelques instants dans les airs, à la
stupéfaction des assistants, il le déposa bientôt
sur le sol et lui dit : « Sois dans la joie, seigneur
Baldassare18!
».
Revenu
sur la terre ferme, Baldassare Rossi se retrouve parfaitement guéri.
On l'eût été à moins, une telle
thérapie est plus efficace qu'un électrochoc !
Semblable
mésaventure ( ou grâce ? ) arrive au
confesseur des clarisses de Copertino, que Joseph entraîne dans
une ronde aérienne lors d'une cérémonie de prise
d'habit, au chant du Veni sponsa Christi 
Raffaele Palma, gardien du couvent d'Assise qui, s'étant
risqué à répéter après frère
Joseph l'antienne Pulchra est Maria, se voit à son
grand effroi soulevé à une bonne hauteur au-dessus du
sol19.
L'épisode
le plus charmant se déroule chez les capucins de Fossombrone,
le deuxième dimanche après Pâques de l'année
1654 :
C'était
le dimanche de l'évangile Ego
sum Pastor bonus ( je suis le bon pasteur ). Le
soir, après souper, Joseph se rendit au jardin avec les
frères 
pour le regarder.
Comme
il semblait vouloir le saisir, un jeune frère le lui mit entre
les mains. Jésus pressa avec tendresse l'agnelet contre sa
poitrine puis, le prenant par les pattes, le plaça en biais
sur son épaule. Insensiblement et par degrés, le saint
s'animait. Enflammé par l'esprit de Dieu, il doubla le pas et
se mit à courir à travers le jardin. Les frères,
et avec eux de pieux laïcs, le suivaient, curieux de voir à
quoi aboutirait ce transport.
Bientôt
ils aperçurent l'agneau et Joseph dans les airs : en
vertu d'une force surnaturelle, l'animal avait été
lancé en l'air par le saint qui, presque au même moment,
s'était à son tour soulevé à la suite de
l'agneau à la hauteur des arbres du jardin.
Il
resta ainsi, à genoux, durant plus de deux heures,
c'est-à-dire jusqu'à une demi-heure après le
coucher du soleil20.
Malheureusement,
on ne nous relate pas la réaction de l'agneau. A-t-il
seulement bêlé, ou bien était-il, lui aussi en
extase ? Il est revenu indemne sur terre, avec Joseph.
~ Le
prince se mit à pleurer...
On
parle bientôt du frère de la Grottella dans toute
l'Italie, et même à l'étranger. Venant de cités
voisines ou de contrées lointaines, de puissants seigneurs,
des prélats circonspects, de riches commerçants,
veulent voir le prodige, tantôt sceptiques et bien vite
convaincus, tantôt curieux avides de merveilleux, le plus
souvent chrétiens fervents désirant s'édifier.
Le Père Provincial commet alors une maladresse insigne :
il entraîne le frère volant dans une tournée
des maisons de l'Ordre, sous le prétexte de mettre a profit
ses dons extraordinaires pour ramener les communautés à
une observance plus stricte. Cette exhibition n'est ni du goût
de l'intéressé, ni de celui de la Sainte Inquisition :
la tournée triomphale s'achève devant les tribunaux de
la Suprema à Naples, puis à Rome. évidemment,
il ne se passe rien durant les interrogatoires, et déjà
les inquisiteurs crient à l'imposture, à l'exaltation,
font rédiger les actes de condamnation. Mais quand Joseph est
conduit devant le pape Urbain VIII, un esthète cultivé
et sceptique, le miracle se produit :
Le
Père Général mena Joseph aux pieds du Souverain
Pontife Urbain VIII. Contemplant alors dans le pape la figure de
Jésus-Christ, le frère fut ravi en extase et soulevé
de terre jusqu'à ce que le Père Général
le rappelât 
le pape dit à ce dernier que si Joseph mourait durant son
pontificat, il déposerait lui-même comme témoin21.
Durant
son séjour à Rome, Joseph reçoit la visite de
nombreux cardinaux et évêques, parmi lesquels plusieurs
l'honoreront de leur amitié. Bien qu'ils interviennent pour le
faire affecter définitivement au couvent des Saints-Apôtres,
ses supérieurs l'assignent à résidence à
Assise, loin de sa terre natale, de son cher sanctuaire de la
Grottella. Les treize années d'exil dans le protomonastère
franciscain sont celles des lévitations les plus
spectaculaires, et de nouvelles manifestations extraordinaires :
le corps de Joseph exhale une fragrance suave, qui deviendra de plus
en plus pénétrante au fil des années, et qu'il
s'efforcera de dissimuler sous l'odeur du tabac à priser 
parfois, son visage s'auréole d'un halo de lumière 
on lui attribue des miracles de guérison, des prodiges de
bilocation. Ses lévitations, plus fréquentes, sont
aussi plus éclatantes 
à une hauteur impressionnante, dix mètres parfois. Son
ami et confident dom Rosmi, théologien bénédictin,
en tient le journal de 1645 à 1652, mais il doit renoncer à
cause de la fréquence et du nombre des phénomènes,
auxquels s'ajoutent des vexations diaboliques.
Quand
on sait que le moine volant est reclus à Assise, on
vient en foule l'y voir. Alors la célébration publique
de la messe lui est interdite, les visites prohibées. Mais les
plus grands noms sollicitent de Rome le laissez-passer qui leur
permet de le rencontrer. Il reçoit ainsi le prince Jean
Casimir, futur roi de Pologne, avec qui il s'est lié d'amitié
à Rome, et qui le fera connaître dans son pays 
cardinal Odescalchi, plus tard élu pape sous le nom d'Innocent
XI, à qui il annonce sa future élévation au
pontificat suprême 
Amiral de Castille et légat à la cour pontificale qui,
avec son épouse et leur suite, assiste en 1645 à une
lévitation :
Appelé
par l'obéissance dans l'église, et ayant levé
les yeux vers la statue de Marie Immaculée qui était
sur l'autel, il s'éleva, les jambes ployées, et vola
au-dessus de la tête des assistants sur une distance de douze
pas 
la Reine du Ciel, il passa par-dessus elle en poussant son cri
habituel, avant de regagner à pied sa cellule, laissant
frappés d'une sainte stupeur le Grand Amiral, son épouse
et leur nombreuse suite22.
Bernino
ajoute que doña Enriquez s'est évanouie d'émotion,
et qu'il a fallu force sels et fumigations ( sfumiggio )
pour la faire revenir à elle.
En
1651 a lieu la lévitation la plus lourde de conséquences
et, partant, la plus célèbre. Le prince allemand
Jean-Frédéric de Brunswick visite diverses capitales
européennes 
volant, et plus que sceptique sur la réalité des
phénomènes que l'on attribue à celui-ci, il
décide d'aller s'informer sur place. Aussitôt, de
nombreux cardinaux et évêques écrivent alors à
Joseph pour recommander à sa prière la conversion du
jeune prince, luthérien convaincu. Le 5 février, ce
dernier et deux de ses compagnons assistent à la messe de
Joseph, à l'insu de celui-ci :
Comme
Joseph allait partager l'hostie, il sentit qu'elle était très
dure et, ayant en vain tenté de la rompre, il la reposa sur la
patène. Les yeux fixés sur la sainte hostie, il se
répandit en clameurs véhémentes puis, ayant
poussé un cri strident, s'éleva soudain en l'air, et
là, en position agenouillée, recula de cinq pas. Puis,
étant redescendu à l'autel après un deuxième
cri, il réussit à rompre l'hostie, non sans efforts.
Plus tard, comme le supérieur lui demandait de la part du
prince la cause de ces étrangetés, il répondit :
« Les trois que tu m'as envoyés ce matin à
la messe sont durs de coeur, car ils ne croient pas tout ce que
croit notre Sainte Mère l'Eglise 
aujourd'hui l'Agneau s'est durci entre mes mains, et je n'ai pu le
partager23!
»
Troublé
par la réponse, le prince obtient un entretien avec Joseph,
qui l'engage à revenir à sa messe le lendemain :
A cette messe, un croix de couleur noire apparut dans l'hostie au
moment où le célébrant l'élevait, tandis
qu'il était soulevé du sol après avoir poussé
son cri habituel 
levés, à une palme au-dessus des marches de l'autel,
durant la huitième partie d'une heure. A la vue de ces
prodiges, le prince se mit à pleurer amèrement, tandis
qu'un de ses compagnons, également hérétique,
gémissait avec indignation : « Malheureux que
je suis d'être venu dans ce pays ! vraiment, voici que
m'assaillent des troubles et des scrupules de conscience !24»
Les
phénomènes impressionnent le jeune prince ( il a
vingt-cinq ans ). Les longs et confiants échanges qu'il
aura ensuite avec Joseph de Copertino seront plus déterminants
dans sa conversion. Ayant quitté Assise catholique de coeur,
il abjurera publiquement l'année suivante et, devenu duc
souverain de Brunswick, introduira la liberté de culte dans
ses états. Plusieurs de ses amis le landgrave de
Hesse-Rheinfels, le pasteur Julius Blume, entre autres
se convertiront à leur tour. Blume, qui avait accompagné
le prince et qui s'était lamenté d'avoir effectué
le voyage, résistera deux ans. Ils favoriseront la création
dans le nord de l'Allemagne luthérienne d'un vicariat
catholique, lointain présage d'un rétablissement par le
Saint-Siège de la hiérarchie épiscopale dans le
pays.
~ Au nom
de la sainte obéissance...
En
1653, un ordre du pape Innocent X fait transférer le frère
volant chez les capucins de Pietrarubbia. La politique
pontificale ne s'accommode guère des amitiés qu'il a
nouées avec certaines cours souveraines, avec plusieurs
prélats. Il est temps d'éloigner l'importun... d'autant
plus que des adversaires du pape la duchesse de Mantoue, le
duc de Parme, ne cachent pas leur estime pour Joseph.
L'ombrageux pontife, immortalisé par le pénétrant
portrait qu'en a fait Vélasquez et les étonnantes
variations sur le thème réalisées par Francis
Bacon, ne tolère point de lumière sur sa propre gloire,
serait-ce celle d'un saint. Les mesures d'isolement se durcissent,
Joseph accepte tout sans murmurer. Quatre années chez les
capucins lui valent auprès de ceux-ci une telle popularité
que le nouveau pape, Alexandre VII, prend des mesures draconiennes :
Joseph est séquestré dans une maison de son Ordre à
Osimo, avec interdiction formelle de recevoir des visites, de parler
avec les hôtes de passage, seraient-ils princes ou cardinaux,
d'écrire et de recevoir du courrier : toute la
correspondance qui lui est adressée est aussitôt
renvoyée au Vatican. Le cardinal secrétaire d'état
va jusqu'à ordonner aux supérieurs ecclésiastiques
de mentir, de répondre aux curieux et même aux amis du
moine que celui-ci n'est pas à Osimo ! Pourtant,
plusieurs visiteurs affirment catégoriquement avoir senti dans
le couvent l'odeur de sainteté de Joseph. Les requêtes
qu'adressent à Rome les plus hauts personnages pour obtenir un
droit de visite, ou simplement celui de confier par écrit
leurs intentions au thaumaturge, sont impitoyablement écartées :
la reine Christine de Suède est éconduite, tout comme
le roi de Pologne, le duc de Brunswick, et même les émissaires
de l'empereur. C'est l'heure du martyre pour le pauvre frère,
privé de tout appui humain, de tout ministère. Il obéit
sans protester, consacre ses dernières années à
prier et à faire pénitence pour l'Eglise. Cette
persécution n'empêche pas les extases et les lévitations
de se poursuivre, de même que les miracles de guérison à
distance, et la communauté entoure de sa vénération
celui qu'elle tient pour un saint.
C'est
à Osimo qu'il meurt, le soir du 17 septembre 1663, fête
des stigmates de saint François, après une agonie
sereine, le visage transfiguré par une lumière
surnaturelle. Il a célébré sa dernière
messe le 15 août précédent, pour l'Assomption de
la Vierge Marie, puis on le lui a interdit, à cause de sa
faiblesse. Faiblesse qui ne l'a pas empêché d'avoir,
quelques jours avant sa mort, une ultime lévitation :
Au
temps de sa dernière maladie, je dus, conformément aux
prescriptions du médecin Giacinto Carosi, poser un cautère
à la jambe droite. Le Père Joseph était assis
sur une chaise, la jambe placée sur mon genou. Comme
j'appliquais le fer pour l'opération, je m'aperçus
qu'il était déjà ravi hors des sens et
totalement abstrait de la réalité 
étaient étendus, les yeux ouverts et levés vers
le ciel, la bouche à demi béante 
paraissait avoir complètement cessé. Je remarquai qu'il
était élevé d'une palme environ au-dessus de sa
chaise, dans la même position du reste qu'avant l'extase.
J'essayai d'abaisser la jambe, n'y pus parvenir : elle resta
étendue. Une mouche s'était posée sur la pupille
de l'oeil 
elle s'obstinait à revenir au même endroit 
finalement, je dus l'y laisser. Afin de mieux observer le Père
Joseph, je m'agenouillai. Le docteur Carosi examinait avec moi. Nous
reconnûmes tous les deux, très visiblement, que le Père
Joseph était ravi hors de ses sens, et qu'en outre il était
bien réellement soulevé en l'air comme je l'ai dit.
Cette situation durait depuis un quart d'heure lorsque survint le
Père Silvestro Evangelista, qui habitait le couvent d'Osimo.
Après avoir observé le phénomène, il
commanda à Joseph au nom de la sainte obéissance de
revenir à lui, l'appelant par son nom. Joseph sourit et reprit
ses sens 25.
Cette
déposition du chirurgien Francesco de Pierpolo est le dernier
des multiples témoignages relatifs aux lévitations de
Joseph de Copertino. Le nombre des faits, attestés par une
foule de témoins directs, leur variété et la
précision des circonstances dans lesquels ils se sont produits
depuis le 4 octobre 1630, autorisent difficilement à en
révoquer en doute la réalité. Les centaines de
personnes qui ont vu le frère volant soulevé du
sol, et plus encore celles qui ont été emportées
dans ses lévitations, ne peuvent avoir toutes été
victimes d'hallucinations ou d'illusions. A ce jour, saint Joseph de
Copertino est le cas de lévitation le plus remarquable que
connaisse non seulement la tradition hagiographique chrétienne,
mais l'histoire générale des phénomènes
extraordinaires.
~ Le
Prince des Médiums
Dans
le domaine de l'hagiographie, nul ne songeait à faire la
preuve du prodige, tant était ancienne la tradition quant à
la réalité : on s'en tenait aux témoignages
sous serment des personnes qui avaient vu . Mais
observations et constatations ne sont pas des démonstrations
scientifiques. Or, à l'inverse du mystique, le médium
accepte( rait ) de se prêter à des tests et
des contrôles visant à établir la réalité
du phénomène, sa possible répétitivité,
son caractère subjectif : chez certains sujets
prédisposés, il se produirait sur commande, ce qui
bouscule toute la tradition lui attribuant un caractère
d'exceptionnelle gratuité. L'étude des lévitations
de Daniel D. Home on en a recensé une centaine
permet de les comparer avec les manifestations similaires observées
autrefois chez saint Joseph de Copertino.
~ M.
Home fut enlevé en l'air...
Daniel
D. Home est né en 1833 à Currie, près
d'édimbourg ( écosse ). Fils d'un modeste
paysan, il connaît une enfance difficile à cause d'une
santé des plus précaires et de l'alcoolisme de son
père : gamin souffreteux, peut-être victime de
maltraitances, longtemps on croit qu'il ne vivra pas. A l'âge
de sept ans, il est emmené aux états-Unis par une de
ses tantes, qui finit par l'adopter. Il y reçoit une bonne
éducation, dans un climat familial protecteur. Il affirmera
plus tard que, dès cette époque, il aurait pris
conscience des facultés paranormales dont il fera état
par la suite. Cela aurait débuté par la vision d'un
camarade de classe décédé, quand il avait
quatorze ans. A partir de là, des déplacements
spontanés d'objets et des raps ( coups dans les
cloisons et les meubles ) auraient signalé son passage
dans des maisons où il pénétrait pour la
première fois. Il aurait également connu déjà
les phénomènes spectaculaires qui le rendirent célèbre
par la suite : insensibilité au feu, élongation du
corps et, bien sûr, lévitation. L'emploi du conditionnel
s'impose pour cette période de son existence, car il n'existe
de témoignage que le sien, dans une ( auto )
biographie à laquelle il a apporté une large
contribution par le récit de ses souvenirs. Il est impossible
de savoir s'il s'est fabriqué a posteriori une adolescence
propre à rendre compte de ses facultés
parapsychologiques, ou bien s'il expérimentait alors des
pouvoirs insolites qu'il apprit plus tard à maîtriser :
le doute est d'autant plus légitime que, par vanité, il
a enjolivé plusieurs circonstances et épisodes de son
enfance et de son adolescence. Ainsi, il s'inventa un second
patronyme Dunglas ou Douglas, c'est selon pour
justifier une ascendance aristocratique tout à fait imaginaire
le rattachant aux anciens rois d'écosse, et prétendit
avoir bénéficié d'étonnantes prémonitions
( jamais vérifiées ).
La
première lévitation de Daniel D. Home aurait eu lieu le
8 août 1852 à South Manchester ( états-Unis,
Connecticut ), chez ses amis Ward-Cheney, chez qui il était
allé se remettre d'une maladie. Il avait alors dix-neuf ans :
Soudain,
à la grande surprise de l'assemblée, M. Home fut enlevé
en l'air ! J'avais alors sa main dans la mienne, et je sentis,
ainsi que d'autres, ses pieds suspendus à douze pouces du sol.
Il tremblait de la tête aux pieds, en proie évidemment
aux émotions contraires de joie et de crainte qui étouffaient
sa voix. Deux fois encore, son pied quitta le parquet 
la dernière, il atteignit le haut plafond de l'appartement, où
sa main et sa tête allèrent frapper doucement 26.
Le
phénomène s'est déroulé dans la pénombre,
à la faveur d'une réunion durant laquelle Home s'est
offert à démontrer des pouvoirs
extraordinaires qu'on lui connaît déjà
dans le cercle de ses familiers : déplacer des meubles à
distance, matérialiser des objets, amener des instruments de
musique à jouer tout seuls, sans parler de son invulnérabilité
au feu et de ses spectaculaires élongations corporelles.
A
partir de ce jour, les lévitations se comptent par dizaines et
font sa célébrité. Il abandonne les études
de médecine qu'il a entreprises à New York, pour se
consacrer uniquement à l'exploitation de ses facultés
de médium ( il a toujours protesté n'être
pas spirite ) et devient, selon le mot d'un de ses biographes,
un professional homeguest : en termes polis, un
pique-assiette professionnel. Il est vrai que sa compagnie est
agréable : séduisant et même charmeur, bien
éduqué, cultivé, il joue du piano à
ravir, autant de qualités qui, ajoutées à ses
dons insolites, lui ouvrent d'autant plus largement les portes des
salons où l'on se pique de métapsychisme ( nom
ancien de la parapsychologie ). On se l'arrache, entre
Springfield ( Massachusetts ) où il vit désormais
et où auraient eu lieu les manifestations les plus
remarquables on n'en a guère de témoignages
directs, hormis le sien et les localités voisines.
~ M.
Home était possédé...
Les
états-Unis n'offrent à Home qu'une scène assez
limitée, car les cercles férus de manifestations
paranormales n'y sont pas nombreux : une société
d'études métapsychiques dans telle ou telle grande
ville, un petite coterie mondaine ailleurs, les deux se recoupant le
plus souvent. Aussi décide-t-il de se rendre en Europe :
les vieilles cours souveraines toujours à la recherche de
divertissements originaux, les milieux aristocratiques et bourgeois
entichés de merveilleux, et plusieurs personnalités du
monde scientifique qui s'intéressent aux phénomènes
métapsychiques, y constituent un public potentiel aussi
diversifié qu'abondant. Il s'installe à Londres, où
il vivra pendant quelques années. Très vite, ses
surprenantes facultés attirent l'attention et il entame une
tournée qui le mène, via Paris et diverses principautés
allemandes, jusqu'à la cour impériale de Russie :
partout, il connaît le succès, à la faveur de
séances durant lesquelles il multiplie les expériences
insolites dont, à vrai dire, les lévitations sont les
moins spectaculaires : on préfère les objets qui
se déplacent tout seuls, les instruments de musique qui se
mettent à jouer sans aucune intervention humaine, les coups
venus d'on ne sait où et frappés dans les murs ou les
cheminées, qui font sursauter l'assistance.
Home
ne cache pas le plaisir que lui procurent ces séances, fort
agréables elles se déroulent dans les palais et
belles demeures d'une société choisie, raffinée,
et sont par ailleurs fort lucratives , et combien il est
attaché à ses facultés médiumniques.
Soudain, en 1855, celles-ci s'estompent, pour disparaître
bientôt entièrement. La vie lui paraît insipide,
et il connaît une douloureuse crise spirituelle au terme de
laquelle il se convertit au catholicisme. Ayant choisi pour
conseiller le Père de Ravignan, jésuite qu'ont rendu
célèbre ses Conférences de carême et ses
retraites prêchées à Notre-Dame de Paris, il ne
tarde pas à s'affranchir de cette direction spirituelle quand,
en 1857, ses mystérieux pouvoirs réapparaissent avec
plus d'éclat que jamais 
vain de l'en détacher et, au terme d'une entrevue orageuse
entre eux, un autre jésuite, le Père de Ponlevoy,
assiste bien malgré lui à une scène pénible :
il voit Home « se rouler à terre et se tordre
comme un ver
S'étant
affranchi de la direction du Père de Ravignan qui
mourra peu après Daniel D. Home reprend sa vie de
professionnal homeguest. A ses exploits, il ajoute
celui de matérialiser des mains, fluorescentes ou non, qui
arrachent de petits cris aux dames lorsqu'elles effleurent leur
chevelure ou, plus osé, leurs épaules. Et celui de
faire répondre par des raps aux questions que posent
les personnes présentes lors des séances qu'il donne :
c'est, dit-il, son esprit familier qui l'assiste. Ange gardien ou
autre entité ?
Quoi
qu'il en soit, et qu'il le veuille ou non, Home glisse vers le
spiritisme, dont il s'est toujours défendu.
En
1857, une séance mémorable avec Napoléon III et
l'impératrice Eugénie lui vaut une consécration
éclatante : il a obtenu la matérialisation d'une
main ectoplasmique qui a saisi celle de l'impératrice et en
laquelle celle-ci a reconnu, à une difformité d'un
doigt... celle de son défunt père. Le prince de
Metternich, ambassadeur d'Autriche, assiste à la prestation du
médium : esprit fort s'il en est, il ne parvient pas
malgré sa perspicacité à découvrir la
moindre fraude. Il est vrai que Home ne tolère aucune forme de
contrôle de ses pouvoirs sinon sommaire, et
que l'on n'accepterait plus de nos jours , qu'il estime
offensante.
A
partir de ces faits, plusieurs personnes, et jusqu'à ses
proches, se sont demandé si Daniel D. Home n'était pas
possédé du démon. Ainsi le docteur Thomas
Hanskley, son médecin et ami personnel pendant trente ans :
Après
un sérieux examen des faits, j'en suis venu à la
conclusion que ces manifestations étaient probablement
provoquées par un sujet intelligent qui possédait le
corps de mon ami, et qui pouvait le quitter pour produire à
distance de lui divers phénomènes : jouer d'un
instrument de musique, soulever et transporter des objets, lire dans
la pensée et répondre d'une manière intelligente
par des raps aux questions posées
Je
suis certainement porté à croire que M. Home était
possédé, bien que ce que j'ai connu de sa vie et de ses
moeurs me laissent convaincu que c'était un homme
sincère, loyal, généreux et bon 28.
Qualités
qui sans doute ont séduit la jeune femme russe que Home épouse
en 1858, et qui lui donne un fils ( il aurait hérité
de ses pouvoirs ), avant de mourir en 1862.
~ M.
Home s'était réduit...
Daniel
D. Home est excommunié de l'Eglise catholique en 1863, ce qui
ne l'affecte nullement : les cercles dévots qui
l'accueillent font mine d'ignorer la sanction, et ceux des pays
anglo-saxons, de l'Allemagne luthérienne ou de la Russie
orthodoxe, n'en ont cure. Il poursuit donc sa carrière, avec
d'autant plus de fébrilité qu'il est en proie à
de constants soucis financier. En novembre et décembre 1868,
il est à Londres, où ses prouesses attirent l'attention
du monde scientifique. La plus spectaculaire d'abord, celle de son
invulnérabilité au feu, et le pouvoir qu'il possède
de la communiquer aux autres :
J'ai
fréquemment vu Home, quand il était en transe, aller à
la cheminée et retirer du feu de gros morceaux de charbon
incandescents, les transporter dans ses mains de ci, de là,
les mettre dans sa chemise, etc. Huit fois, j'ai moi-même tenu
sans souffrance un tison rougeoyant dans mes paumes, tandis qu'il me
rôtissait le visage dès que j'élevais les mains
vers lui. Un jour, j'ai voulu voir s'ils me brûleraient
vraiment 
majeur de ma main droite, j'y eus une cloque grande comme une pièce
de six pence. Je demandai immédiatement à Home de me
donner ce charbon ardent et, sans inconvénient, je tins
pendant trois ou quatre minutes dans le creux de ma main ce morceau
qui venait de me brûler. Il y a quelques semaines, j'assistai à
une séance avec huit autres personnes.
Dans
d'autres séances, Home pose sur la tête d'une dame une
sonnette de métal chauffée à blanc, ou bien un
charbon ardent sur la robe d'une autre. Il n'y a pas la moindre
brûlure, le moindre dégât !
Un
charbon ardent fut déposé sur ma robe de mousseline
blanche où il resta quelques secondes, car il était si
brûlant que nous craignions tous de le toucher. Bien qu'elle
fût de la plus fine mousseline, ma robe ne prit pas feu et nous
ne pûmes pas même découvrir la plus petite trace
de roussi, aucune espèce de marque 30.
Les
cas de ce genre se comptent par dizaines, et il est difficile de
douter de leur réalité, à cause du nombre et de
la qualité des témoins, pour la plupart personnes tout
à fait sensées, comme Lord Lindsay, président de
la Royal Society of Astronomy et
plus tard administrateur du British Museum 
correspondant de guerre du Daily Telegraph et plus tard
deux fois sous-secrétaire d'état aux Colonies 
sir William Crookes, un des plus célèbres physiciens et
chimistes de son temps.
Une
autre des spécialités de Home est sa capacité
à jouer de son corps, tantôt en de spectaculaires
élongations
Home
se tint droit et dit : « Il
,
tantôt au contraire en d'étranges tassements :
J'ai
constaté que M. Home s'était réduit à
environ cinq pieds32.
Daniel
D. Home peut ainsi passer de sa taille naturelle environ 1 m
70 tour à tour à plus d' 1 m 90, et à 1
m 50. Ce phénomène, et celui où on voit le
médium manipuler sans dommage des charbons ardents et
communiquer aux assistants et aux objets son invulnérabilité
au feu, sont fréquents et se produisent en présence de
nombreux témoins. Ils relèguent à l'arrière-plan
les lévitations, moins spectaculaires. Pourtant, ces dernières
sont attestées par plusieurs personnes : un avocat de
Liverpool affirme avoir vu le médium passer au-dessus des
têtes d'invités assis autour d'une table
témoignage confirmé par sept autres personnes ,
et dans le salon londonien de M. Hall, il s'élève
jusqu'au plafond où, avec un crayon dont il s'est muni, il
marque l'endroit qu'il a atteint33.
~ Nous
vîmes Home flotter en l'air...
Au
mois de décembre 1868, Daniel D. Home fait sensation au cours
d'une séance à Londres : il produit une lévitation
présentée par les trois témoins présents
Lord Lindsay, Lord Adare et le capitaine Charles Wynne
comme une performance exceptionnelle. Le médium, en transe,
passe dans une pièce voisine de celle où sont les trois
hommes. A ce moment, Lord Lindsay entend une voix qui lui souffle à
l'oreille : « Il va sortir par une fenêtre
et rentrer par l'autre ». Ayant fait part de cette
communication à ses deux amis, tous trois restent dans le
salon et attendent :
Nous
entendîmes soulever la fenêtre de la chambre voisine ( il
s'agit d'une fenêtre à guillotine, sash window,
n. d. a ) et, presque immédiatement, nous vîmes
Home flotter en l'air en dehors de la fenêtre. La lune donnait
à plein dans la chambre. J'avais le dos tourné à
la lumière 
des pieds de Home à environ six pouces au-dessus du rebord de
la fenêtre. Après être resté quelques
secondes dans cette position, il souleva la fenêtre, glissa
dans la chambre les pieds en avant et vint s'asseoir.
Lord Adare
passa alors dans la pièce voisine pour examiner la fenêtre
par où il était sorti : elle était soulevée
d'environ dix-huit pouces. Il exprima sa surprise de ce que Home eût
pu passer par une ouverture si étroite. Le médium,
toujours en transe, répondit : « Je vais vous
montrer ». Tournant alors le dos à la fenêtre,
il se pencha en arrière et se projeta dehors, la tête la
première, le corps entièrement rigide, puis revint
tranquillement 34.
Au
sujet de cette seconde expérience, Lord Adare dit au
contraire :
Une
puissance invisible souleva alors M. Home, presque à
l'horizontale, et projeta son corps dans l'espace à travers la
fenêtre ouverte, le ramenant les pieds en avant dans la
chambre, lancé comme un volet qui claque 35.
Retour
lent et tranquille dans un cas, violent dans l'autre. Ce n'est pas la
seule contradiction que l'on relève dans les récits des
témoins, dans lesquels on note déjà une
invraisemblance : le phénomène se serait déroulé
le 13 ou le 16 décembre 1868 ( là encore les avis
divergent ) : or, à ces dates, c'était la
nouvelle lune, et il est donc impossible que la scène se soit
déroulée à la lumière lunaire... L'un des
meilleurs spécialistes actuels de Daniel D. Home, l'historien
John Sladek, a procédé à une étude
comparative des trois versions ( Asley, Adare et Home lui-même )
de l'événement, et en a tiré des conclusions
accablantes 36,
auxquelles était déjà parvenu avec des
nuances Herbert Thurston :
On
doit aussi admettre qu'il y a de nombreuses contradictions entre les
témoins quant aux détails secondaires 37.
Contradictions
nombreuses, portant sur des détails qui ne sont pas
secondaires du tout : dans un récit, il est fait mention
d'une saillie de douze pouces ( 30 cm ) à chaque
fenêtre, destinée à poser des pots de fleurs, et
dans l'autre d'un balcon allant d'une fenêtre à
l'autre 
mêmes, ni les hauteurs de l'étage, ni les dispositions
des pièces et leur ameublement, ni même l'adresse où
se serait produit le phénomène ! Cela fait
beaucoup.
Quoi
qu'il en soit, la relation du prodige fait à l'époque
une vive impression et porte Daniel D. Home au sommet de sa
notoriété. Il multiplie les tournées, notamment
en Russie, où l'accueil qu'il reçoit à la cour
impériale et dans l'aristocratie lui vaut le surnom de prince
des médiums.
~ Comme
Uri Geller de nos jours...
En
1871, Home épouse en secondes noces une jeune femme russe :
l'union ne sera pas heureuse, mais, devenue veuve, madame Dunglas
Home, comme elle se fera appeler, deviendra la gardienne de la
mémoire de son mari. La même année, il accepte
d'être contrôlé par sir William Crookes. En fait
il ne s'agit que de simples observations car, spirite convaincu,
favorablement impressionné par les relations de la séance
de décembre 1868, l'homme de science se plie sans sourciller
aux conditions posées par le médium : les séances
se déroulent dans la pénombre, sinon une obscurité
presque totale, et nul ne doit le toucher. C'est dans ce contexte que
Crookes constate les lévitations :
En
trois circonstances différentes, j'ai vu Home s'élever
complètement au-dessus du plancher de la chambre. La première
fois, il était assis sur une chaise longue 
il était à genoux sur sa chaise, et la troisième
il était debout. A chaque occasion, j'eus toute la latitude
possible d'observer le fait au moment où il se produisit 38.
Il
précise qu'il l'a vu élevé à quelques
pouces au-dessus du sol, durant une dizaine de secondes. Qu'en
penser ? Crookes a-t-il été victime d'illusions
favorisées par le pouvoir de suggestion du médium,
voire par une possible autosuggestion ? Ou bien a-t-il été
témoin d'authentiques lévitations ? De même,
que penser de l'affirmation du docteur Thomas Hawskley, qui a vu un
de ses amis soulevé avec le guéridon sur lequel Home
l'a fait monter, jusqu'à une hauteur de huit pouces au-dessus
du sol ? Le docteur a passé sa main entre le plancher et
le guéridon et a pu ainsi se convaincre de la réalité
du phénomène39.
Home a donc également, semble-t-il, le pouvoir de provoquer la
lévitation chez autrui... ou plutôt celle du meuble.
Les
témoignages sont trop nombreux pour que l'on réfute
sans autre forme de procès la réalité des
phénomènes qu'ils relatent. Même passés au
crible de la critique la plus rigoureuse, il en subsiste des faits
qu'il est difficile de récuser totalement, à moins de
leur découvrir une explication rationnelle. Celle de la fraude
a été avancée, déjà du vivant de
Home : l'illusionniste Houdini 40
l'en a accusé, mais sans apporter l'ombre d'une preuve.
Une
autre explication a été proposée, également
du vivant de Home, notamment par le comte Spada qui, ayant participé
à plusieurs séances, déclarait sans ambages :
Nous
pensons que Home exerce sur les personnes présentes une
fascination qui leur fait voir ce qui n'est pas41.
Conclusion
à laquelle arrivent également Olivier Leroy et Herbert
Thurston qui, par ailleurs, ne mettent pas en doute la réalité
de l'élongation corporelle, non plus que celle de
l'invulnérabilité au feu :
Ces
hauts faits
Il
est vrai que les phénomènes que produit Home, se
déroulent toujours dans le cadre feutré propre aux
séances de médiumnité ou de spiritisme :
pénombre calculée avec soin, ambiance chaleureuse,
public restreint attendant qu'il se passe quelque chose et
tout disposé à croire. Or Daniel D. Home en
joue. S'il est une part de vérité dans l'affirmation
selon laquelle le médium met à profit les a priori
favorables de son public pour établir avec lui une relation de
confiance, voire de complicité passive, il semble exagéré
de lui attribuer le pouvoir d'un hypnotiseur et, à partir de
là, de dénier systématiquement toute réalité
à des faits attestés par de multiples personnes :
peut-être est-ce accorder beaucoup d'importance à
l'hypnose, et pas assez à une autre facette du personnage,
qu'évoque le très sceptique érudit Frank
Podmore :
Je
n'éprouve aucune difficulté à expliquer
l'ensemble des faits de lévitation enregistrés
Et
l'essayiste Trevor Hall, reprenant les conclusions de Sladek,
n'hésite pas à affirmer :
Home
est, dans le meilleur des cas, un illusionniste hypnotiseur, et, dans
le pire, un charlatan qui, comme Uri Geller de nos jours, prétend
avoir des pouvoirs paranormaux 44.
Comment
concilier cette condamnation péremptoire avec ce qu'écrivait
Léon Tolstoï à son épouse, le 17 juin
1866 :
Home
fut enlevé de sa chaise et je lui pris les pieds pendant qu'il
flottait au-dessus de nos têtes 45 ?
Jusqu'à
sa mort, en 1886, Daniel D. Home a été reconnu par de
nombreuses personnalités de tous bords comme un médium
exceptionnellement doué : en France, outre l'impératrice
Eugénie et de nombreuses personnes de son entourage, l'auteur
dramatique Victorien Sardou était convaincu de ses pouvoirs
extraordinaires 
Flammarion et le physiologiste Charles Richet ( prix Nobel en
1913 ), se sont intéressés à lui 
est vrai cependant que ce dernier faisait peu de cas des lévitations.
Pourtant,
le personnage n'est en fin de compte guère sympathique, si
charmeur qu'il puisse se montrer en société. Infatué
de lui-même, sans pitié pour ses semblables il
met en garde le professeur Crookes contre les supercheries de
la femme médium Florence Cook , vénal et même
cupide ( il a été condamné pour extorsion
et détournement de fonds aux dépens d'une riche
admiratrice ), il laisse une impression de malaise, bien que
ceux qui l'ont connu se soient parfois portés garants de son
honorabilité. Dans son étude sur le sujet, Trevor Hall
esquisse un portrait au vitriol : pour lui, Home est un grand
malade ( il est effectivement tuberculeux ), mais aussi un
psychopathe vaniteux, sans scrupule, menant sous la façade des
convenances une double vie d'homosexuel honteux et de gigolo mondain.
Peut-être la réponse à l'énigme Daniel D.
Home se trouve-t-elle dans la confession que celui-ci fit peu avant
sa mort au docteur Philipp Davis 46,
qui permet à Olivier Leroy de conclure :
La
vie de Douglas Home est celle d'un aventurier cosmopolite et
peut-être, parfois, d'un imposteur 47.
A
l'évidence, Home n'est pas un mystique, encore moins un
saint : peut-être fut-il en revanche un illusionniste des
plus doués, quand bien même il n'accepta jamais se voir
qualifier de tel, ce qu'il considérait comme une insulte.
L'eût-il admis, qu'il serait considéré comme
l'égal, à son époque, d'un David Copperfield
aujourd'hui.
~ Même
des Femmes
Plus
intéressante peut-être est la comparaison entre les
lévitations signalées chez deux Napolitaines presque
contemporaines, dont les routes auraient pu se croiser : ( SUITE
DANS LE LIVRE )
~ Table ~
Avant-propos
5
1 )
Des cas célèbres 11
~ Le
saint volant
Abandonne-toi
13
Le
fracas de la détonation 15
Sois
dans la joie 18
Le
prince se mit à pleurer 20
Au
nom de la sainte obéissance 23
~ Le prince des médiums
M.
Home fut enlevé en l'air 25
M.
Home était possédé 27
M.
Home s'était réduit 29
Nous
vîmes M. Home flotter en l'air 31
Comme
Uri Geller de nos jours 33
~ Même
des femmes 36
Une
femme d'aspect fort ordinaire 37
Lévitations
et fleurs du ciel 41
Stupéfiante
Sor Francisca Ana 44
2 ) Faits
et interrogations 49
~ La
Tradition chrétienne 50
Prière
et lévitation 52
Elles
en parlent 55
Telle
une plume, tel un oiseau 58
Elevée à la gloire du ciel 61
~ Deux,
trois types de lévitation ?
Extase
mystique et transe médiumnique 68
Elévation
corporelle, élévation spirituelle 74
Sainteté
et folie 79
~ La
lévitation diabolique 85
Une
tradition ancienne 87
Epidémies
de possédés 89
Apparitions
diaboliques ? 92
Possédés
d'hier et d'aujourd'hui 95
Lévitation
naturelle ? 98
3 ) Le
fait et sa lecture 111
~ Nova
et vetera 113
Grecs
et Romains 114
L'Inde
des brahmanes et des fakirs 117
Sorciers
en Afrique 120
Chamans
d'Amérique et d'Océanie 122
~ Figures
emblématiques 124
Le
char de feu d'Elie 126
Le
prophète crucifié 129
Le
Bouddha et ses disciples 131
« Japoniaiseries »
américaines 135
~ Lung
Gom Pa : mystiques chrétiens ? 137
« Même
les mozos costauds se fatiguaient » 139
Dans
les vignes du Seigneur ? 144
Les
jeux de l'amour... 145
...
ne sont pas ceux du hasard 148
4 ) Lévitation
et extase 153
~ Regards
d'enfants 155
Le
soir de la Saint-Jean 156
Sa
fille pour témoin 161
Maman,
une femme qui vole ! 164
~ La
Santinha d'Arrifana 166
La
réalité des lévitations 167
De
l'oraison à la liturgie 170
~ Lévitation
et eucharistie 172
Amplifications
hagiographiques 174
Prêtres
en lévitation 177
Pendant
la messe 183
~ L'extase
contre la science ?
Le
poids de la croix 187
Marie
et la croix 191
La
légèreté de la grâce 194
Conclusion :
la lévitation, signe de sainteté ? 199
1
Le Petit Larousse, grand format, Paris,
1996, p.598.
2
Ces mystiques seront évoqués au fil des pages
suivantes.
3
Hormis, et pour cause, la stigmatisation dont les marques ou plaies
configurent le croyant au Christ crucifié.
4
Charles Richet, Traité de Métapsychique,
Paris, Alcan, 1922, p. 699 Richet ( 1850-1935 ),
physiologiste français, fut prix Nobel de médecine en
1913.
5
Propsero Lambertini, De beatificatione
Servorum Dei et de Beatorum canonizatione,
Bologne, 1734-1738, t. III, p. 49, § 9.
6
La Positio super dubio de virtutibus ( conclusions sur
les vertus héroïques ) et le Summarium
( biographie critique rigoureusement documentée )
sont les pièces principales d'un procès de
béatification / canonisation.
7
A. S., Ve t., sept. La caution de Benoît
XIV garantit le sérieux de ce travail.
8
Domenico Bernino ( ou Bernini ) était
le fils du célèbre sculpteur et architecte Gian
Lorenzo Bernini, appelé en France Le Bernin. Sa Vita du
bienheureux Joseph de Copertino a connu plusieurs éditions.
9
AA. SS., sept., vol. V, p.
1021 B.
10
P. Gustavo Parisciani, o.f.m. conv.,
San Giuseppe da Copertino, Osimo,
Ed. Pax et Bonum, 1987, p. 38.
11
P. Gustavo Parisciani, o.f.m. conv., op. cit.,
p. 40.
12
Domenico Bernino, Vita del
Padre Fr. Giuseppa de Copertino de' Minori Conventuali ,
Rome, 1722, p. 68.
13
AA. SS., sept., vol. V, p.
1021 F.
14
Ibid., p. 1021 C
Le prêtre en question, don Antonio Chiarello, témoigna
au procès de béatification.
15
Ibid., p. 1040 DE Douze bonnes palmes font plus de
2,50 mètres, et six jets représentent une longueur
d'une trentaine de mètres.
16
Ibid., p. 1021 C
54 paumes font environ 6 mètres, et 80 pas font environ 40
mètres, tandis que 10 à 12 pieds représentent
une distance de 3 mètres.
17
P. Herbert Thurston, s. j., Les
phénomènes extraordinaires du mysticisme,
Paris, Gallimard, 1961, p.26.
18
AA. SS., op. cit., p. 1022 CD.
19
Ibid., p. 1021 CD 1022 C.
20
Domenico Bernino, op. cit., p. 212.
21
AA. SS., op. cit., p. 1021 F.
22
Ibid., p. 1022 AB Douze pas représentent
environ 6 m.
23
Ibid., p. 1024
Cinq pas représentent près de 2 m 50.
24
Ibid.
Une palme fait 25 cm.
25
Actes du procès de béatification, f° 585, n°
40 F, part. 16, et f+ 587 // Domenico Bernino, op. cit., p.
241-242 Une palme équivaut à 25 cm.
26
Daniel D. Home, Révélations
sur ma vie surnaturelle, Paris, Didier, 1864,
p. 52 Traduction de l'anglais
Incidents in my life, Ist serie,
London, , Tinsley, 1863 Douze
pouces font quelque trente centimètres.
27
P. Armand de Ponlevoy, s.j., Vie du R. P. Xavier de Ravignan,
Paris, 1860, tome II, p. 298.
28
Mme Dunglas Home, op. cit., p. 189 
Contrairement à ce qui a été affirmé, ce
rapport a été demandé à son auteur non
par « une société savante de Londres »
( la Dialectical Society of London ou London
Dialectical Society ), mais par la veuve de Home, auteur de
sa biographie.
29
Déposition de Lord Lindsay devant la London Dialectical
Society, 1869 Dialectical Society's Report on
Spiritualism, Londres, 1871, p. 208.
30
Ibid., p. 370.
31
Témoignage de Lord Adare, in
Dunraven, Experiences with D. D. Home,
Londres, S.P.R. Editions, vol. XXXV,, 1924, p. 63.
32
Déposition de M. Jenchen devant la London
Dialectical Society ( 1869 )
Dialectical Society's Report on
Spiritualism, Londres, 1871, p.
119.
33
Cf. Hélène Renard, Des
prodiges et des hommes, Paris, Philippe
Lebaud, 1989, p. 109.
34
Ibid., p. 240, et Mme Dunglas Home, op.
cit., p. 300 .
35
The Spirituel Magazine, Londres, avril
1869, p. 177.
36
Cf. John Sladek, The New Apocrypha, 1978
37
Herbert Thurston, s.j., op. cit., p. 12.
38
William Crookes, Recherches sur les
phénomènes du spiritualisme,
Paris, Leymarie, 1878, p. 127 // Mme Dunglas Home, op.
cit., p. 298.
39
Cf. Olivier Leroy, La lévitation,
Juvisy-sur-Oise, Les éditions du Cerf, 1928, p. 41.
40
Houdini ( de son véritable nom Erich Weiss ),
originaire de Hongrie et naturalisé Américain, est le
plus fameux illusionniste de la Belle Époque.
41
Gougenot des Mousseaux, La magie au
XIXe siècle Les moyens et les médiateurs
de la magie, Paris, Plon, 1864, p. 27-28.
42
Herbert Thurston, s. j., op. cit., p. 12-13.
43
Frank Podmore, Modern Spiritualism An History and a
Criticism, Londres, Methuen, 1902, II, p. 278, réédité
en 1963 sous le titre Mediums of the 19th century, University
Books.
44
Trevor Hall, New Light on Old Ghosts,
45
Cité par Hélène Renard, op.
cit., p. 110.
46
Cf. R.P. Lescoeur, La
science et les faits surnaturels contemporains,
Paris, Roger et Chernoviz, 1897, p. 271-272.
47
Olivier Leroy, op. cit., p. 277.
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