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256-bit encryption Exp 8 juillet 2020 |
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En attendant d'être opéré aux urgences pour une soudaine perforation de l'estomac, le Pr. Howard Storm, un solide athée américain en voyage à Paris, est mort subitement dans une chambre de l'hôpital Cochin.
Découvrant que soudain il ne souffrait plus, le Pr Storm a aussi constaté que quelque chose ne collait pas car il se sentait étrangement léger. Au même moment, il entendit des voix qui lui demandèrent de le suivre. Persuadé que c'était les infirmières qui lui parlaient, il suivit les silhouettes grises qui l'emmenèrent dans l'Au-delà.
A partir de là commence une expérience aux frontières de la mort extraordinaire qui va entraîner le brave professeur laïc aussi bien dans les tréfonds de l'enfer qu'au paradis où il se retrouve en présence des Anges. Et là, le Christ et les Anges vont lui montrer le futur de l'humanité ainsi que la faillite de l'économie américaine avec la destruction des USA...
Il ne pouvait imaginer une seconde avant sa '' mort '' qu'une fois revenu dans son corps, il ne sera plus jamais le même, au point d'abandonner son poste de professeur de l'Histoire de l'Art à la Northern Kentucky University pour devenir pasteur.
L'Expérience aux Frontières de la Mort la plus troublante jamais racontée par un homme qui ne croyait pas que l'enfer ou le paradis puissent exister. A LIRE ABSOLUMENT. Préface d'Anne Rice.
Avant
l'expérience, l'anxiété et la dépression
avaient gâché ma vie. Je justifiai ma mélancolie
en me convaincant que c'était le seul état d'esprit que
pouvait ressentir un homme réaliste.
J'avais
cru qu'il n'y avait pas de Dieu, de ciel, d'enfer, de Christ,
d'anges, de miracles, de vie après la mort et de signification
ultime de la vie.
On
naît dans un univers complètement hasardeux 
lutte pour la survie et le plaisir, puis on meurt.
Quelle
est la raison de vivre ?
Il
n'y en a pas. Pourquoi ne pas mourir ?
Trop
effrayé pour mourir, je restais en vie.
Pr.
Howard Storm
Voir
Paris
et
Mourir
une
expérience
aux
frontières de la mort
traduit de l'anglais
par Marc Géraud
Le jardin des Livres
Paris
Vous
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Traduction française © Le Jardin des Livres 2010
14 rue de Naples, Paris 75008
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des droits d'auteur.
Préface
d'Anne Rice
À
partir de l'instant où j'ai aperçu Howard Storm à
la télévision, j'ai su qu'il était
extraordinaire parmi les individus uniques qui sont passés de
l'Autre Côté, à la suite d'un accident médical.
Oui,
j’ai vu la lumière dont tous parlent 
expérimenté la récapitulation de ma vie, si
souvent mentionnée 
la chaleur et l'amour d'un être supérieur.
Mais
il y avait eu beaucoup plus que ça pour cet homme –
comme si cela n'avait pas été assez.
Et
il est revenu de la mort pour
changer le cours entier de sa vie.
Une
carrière d'artiste et de professeur d'art a été
abandonnée au profit d'un ministère chrétien...
Il était clair que le besoin d'Howard de parler de son
expérience était irrésistible. Il a été
entraîné sur la route qu'ont suivie les saints des
anciens temps. Il a été renversé sur la
route de Damas, et à chaque apparition télévisée
qui a suivi – et il y en a eu beaucoup – il a donné
l'impression qu'après sa chute, il a remonté à
pied et a lutté pour témoigner des implications
immédiates de tout ce qu'il avait vu de l'autre côté.
J'ai
donc voulu le retrouver, le connaître et lui demander plus
de détails, mais seul un respect profond pour son intimité
m'en a empêchée. Quand je finis par découvrir
qu'il voulait écrire sur ses expériences, j'attendis
impatiemment son manuscrit. Et mon attente a été
largement récompensée.
Le
livre que vous avez entre les mains est son témoignage le
plus complet à ce jour.
L'histoire
est plus que remarquable : c'est l'enfer et le ciel qui sont
montrés dans ces pages. C'est le Seigneur lui-même et
ses anges qui sont rencontrés.
Howard
Storm voit l'univers au-delà des temps. Bien sûr,
d'autres ont raconté cette histoire. C'est ainsi qu'elle
fonctionne. Ils sont des témoins en tous temps et en des
lieux différents.
Storm
est un témoin doté d'une force vitale certaine et
d’endurance. Avec une rare combinaison de sophistication et
d'humilité, il est capable de nous mener dans un lieu de
ténèbres atroces et à sa délivrance grâce
à une prière simple, voire primitive. Un royaume de
lumière béate est révélé ici dans
toute sa splendeur. Nous sommes emportés par Howard Storm
au-delà du temps et du doute, et nous nous soucions des
véritables secrets de l'univers avant le retour inévitable
et douloureux.
Ne
vous trompez pas : cet homme est un mystique. Ceci est un livre
qui répond à un appel. C'est un livre que vous
dévorerez de la première à la dernière
page, et vous le passerez à d'autres. Ceci est un livre que
vous citerez dans votre conversation quotidienne. Storm était
destiné à l'écrire et nous sommes faits pour le
lire.
Chaque
expérience aux frontières de la mort change celui qui y
survit. Celle-ci touche inévitablement d'innombrables autres
personnes.
La
vocation de Storm est de toucher une grande multitude : les
pains et poissons qui lui
sont donnés nourriront des milliers, si ce ne sont des
centaines de milliers de personnes.
C'est
son cadeau, son cadeau pour nous.
Anne Rice
~ 1 ~
Paris
Paris,
la cité de la lumière.
Qu'est-ce
qui pourrait aller mal dans le cœur du monde civilisé ?
Cela
devait être la veille du dernier jour de notre visite
artistique en Europe. Nous commençâmes samedi matin avec
la maison et l'atelier d'Eugène Delacroix. L'atelier contenait
sa palette, son chevalet, la chaise sur laquelle il s'asseyait et son
bureau. Seule ma femme Beverly et moi allâmes à
l'atelier car tous les autres membres du groupe voulaient dormir
tard, fatigués qu'ils étaient d'être traînés
de musées en galeries du matin jusqu'au soir. Nous arrivâmes
donc au musée Delacroix à neuf heures, et juste avant
onze heures, nous revînmes à notre chambre d'hôtel
pour préparer notre petit groupe à se rendre au centre
Pompidou. Cela devait être l'un des sommets de ce tour
d'Europe.
De
retour à la chambre d'hôtel, je sentis monter en moi une
sensation de nausée. Quelques fois pendant notre voyage,
j'avais eu des indigestions et j'avais pris des antiacides en vente
libre ainsi que de l'aspirine qui soulagèrent toujours le
malaise. Cette fois-ci je pris deux aspirines que j'avalai avec un
cola éventé du soir précédent, et je
continuai à parler avec quelques étudiants tout en
essayant d'ignorer le malaise croissant de mon estomac. Alors que je
parlais avec mon étudiante Monica, j'ai eu soudain
l'impression qu'on m'avait tiré dessus... J'éprouvai
une douleur brûlante au milieu de mon ventre. Mes genoux
flanchèrent et je tombai à terre, me tenant le ventre
et hurlant de douleur.
Quelque
chose d'horrible était en train de se passer en moi mais je ne
savais pas quoi. J'étais même étonné qu'il
n'y ait pas de blessure extérieure visible sur mon corps. En
fait, il n'y avait pas eu de bruit, et quand je regardai, je ne pus
trouver un endroit par lequel une balle aurait pu entrer dans la
chambre.
Le
soleil du matin passait à travers les vitres de la porte
fermée du balcon, filtré par les rideaux droits. Il n'y
avait pas de verre brisé où j'aurais pu voir le trou
causé par une balle ayant traversé la fenêtre,
pas de trou déchiré dans le tissu immaculé. Il y
avait seulement une blessure profondément enfoncée dans
mon abdomen.
La
douleur me submergeait comme si je m'enfonçais dans un bain de
lave d'agonie. Me débattant par terre dans une confusion
désespérée, je cherchai fiévreusement une
explication pour ce qui m'arrivait. Une minute auparavant, j'étais
en train de parler avec Monica de notre prochaine visite au musée
et la minute d'après, j'étais agité sur le sol
en proie à une douleur qui me consumait. Je m'étais
effondré au pied du lit mais je m’étais traîné
dans l'espace réduit entre le mur et le lit. De terreur, je
luttais dans un espace où je pourrais être en sûreté,
en position fœtale. Coincé
entre le lit et le mur, je me battais pour contrôler la panique
qui montait. En hurlant et en gémissant, je savais que
j'ajoutais à ma situation difficile et que ma femme ne pouvait
comprendre ce qui m'arrivait.
Je
criai à ma femme Beverly d'appeler un docteur. Elle était
tétanisée par le choc. Je jurai même quand je vis
qu'elle ne me répondait pas. Elle se reprit suffisamment pour
appeler la réception de l'hôtel et on lui répondit
qu'un médecin allait arriver. Depuis le sol, je regardai la
longue fenêtre de la porte française du balcon. À
travers les rideaux blancs transparents, la lumière entrait à
flots dans la petite chambre, et dehors le ciel était d'un
bleu d'azur. D'une certaine manière, je fus rassuré par
la beauté du jour. Quelque chose allait très mal en
moi, mais je puisais du réconfort dans le fait que le médecin
allait arriver. C'était quand même Paris, la Cité
des Lumières, et tout irait bien. En attendant, la douleur
augmentait. J'essayais d'être stoïque. Je combattais pour
contrôler la douleur lancinante.
En
dix minutes, le docteur arriva. Il était d'une stature frêle
et devait avoir une trentaine d’années. Je ne pus que
faiblement résister quand il s'efforça de me mettre sur
le lit. En ouvrant les boutons de ma chemise pour examiner mon
estomac, il me demanda ce qui s'était passé. Le
tâtonnement de ses doigts sur mon abdomen aggrava la douleur.
Je luttai avec lui. Il me dit que j'avais une perforation du duodénum
et que je devais aller directement dans un hôpital.
– Est-ce
que j'aurai besoin d'une opération ? demandai-je.
– Oui,
immédiatement.
Il
appela une ambulance et m'injecta une petite quantité de
morphine. L'agonie intense commença à s'apaiser. Il
m'expliqua que la morphine était juste suffisante pour
m'emmener à l'hôpital, mais qu'elle n'interférerait
pas avec l'anesthésiant du chirurgien que j'aurai bientôt.
Je
réussis à penser plus clairement. Le séjour à
l'hôpital serait le plus gênant. Le lendemain, ma femme,
nos étudiants et moi étions supposés nous rendre
à Amsterdam pour reprendre l'avion vers les Etats-Unis. Mais
tout irait bien. Je pouvais assurer. Je l'avais toujours fait.
Les
deux jeunes ambulanciers paraissaient charmants. Ils me soulevèrent
du lit et m'amenèrent de l'autre côté, portant
mon corps sur leurs épaules. Nous descendîmes le hall et
entrâmes dans l'ascenseur
qui nous amena
au premier étage. Il y avait à peine de la place pour
nous et j'étais comprimé entre eux. L'ascenseur
s'arrêta au premier au-dessus de la rue. De là, un long
escalier tournant y menait. L'ambulancier trouva une chaise droite
dans le restaurant et me fit descendre les escaliers en me portant
jusqu'à la rue. Les hommes s'efforçaient de me tenir en
hauteur et en équilibre. Je titubais et chancelais, mais ils
luttèrent pour me porter. Je n'arrêtais pas de murmurer:
« S'il vous plaît, ne me laissez pas tomber ».
Ils m'étendirent sur une civière à même le
trottoir et la firent ensuite glisser à l'arrière d'une
petite ambulance. Pendant un moment je paniquai, parce que je
redoutais qu'on parte sans ma femme. À mon grand soulagement,
je vis Beverly s'asseoir sur le siège avant entre les
ambulanciers. Le véhicule traversa à toute allure les
rues de Paris, avec sa sirène caractéristique,
s'ouvrant un passage dans le trafic intense de midi. Le son des
sirènes gémissant plaintivement dans les rues
parisiennes congestionnées me rappela des scènes de
films de la deuxième guerre mondiale.
Après
un étonnant trajet effectué à grande vitesse
dans la petite ambulance zigzaguant dangereusement à chaque
croisement, nous arrivâmes aux urgences de l'hôpital
Cochin. Là je rencontrai deux femmes médecins qui
commencèrent immédiatement leur examen minutieux. L'une
d'elles ressemblait à Jeanne Moreau, jeune, et l'autre était
mince et pâle, avec des yeux très tristes. L'examen
intime qu'elles pratiquèrent fut gênant.
Après
avoir regardé les radios, elles me dirent que j'avais un large
trou dans le duodénum dont la cause était inconnue,
peut-être due à un ulcère, ou à un corps
étranger. Je devais être immédiatement opéré
ou c'était la mort assurée. Je demandai s'il était
possible de le faire aux USA, et elles me répondirent que je
ne survivrais pas au voyage. Elles m'assurèrent cependant que
c'était le meilleur et le plus grand hôpital de Paris.
Elles étaient convaincues aussi bien de l'urgence de la
situation que de la nécessité de la chirurgie. Puis
elles eurent besoin d'introduire une sonde dans mon estomac, mais
sans m'expliquer la procédure. Un infirmier imposant se mit à
cheval sur moi et commença à faire descendre un large
tube, comme celui d'un aquarium, par mon nez. Il heurta le fond de ma
gorge, provoquant une réaction de haut le cœur. Plus
j'avais le haut le cœur, plus il poussait. À travers les
larmes qui remplissaient mes yeux, je vis le docteur mince aux yeux
tristes et compatissants me faire avec ses mains des gestes
d'avaler 
vers le bas.
Je
continuai à sentir la douleur, mais la morphine avait extirpé
la terreur folle. Les choses étaient maintenant supportables.
Une partie de mes efforts pour me contrôler consistait à
me forcer à rire faiblement et à faire des jeux de mots
vaseux. J'étais effrayé. Je dis à ma Beverly
adorée que tout irait bien. Les docteurs parlèrent d'un
séjour hospitalier de trois à quatre semaines. Puis il
y aurait quelques mois de convalescence à la maison.
Après
l'examen au service des urgences, je fus emmené en brancard
hors du bâtiment et conduit à plusieurs blocs de là
dans celui où la chirurgie devait avoir lieu. Chaque fois que
les roues heurtaient une imperfection du trottoir de béton, la
douleur fusait dans mon estomac, mais j'étais réconforté
par la beauté des environs. C'était midi, le soleil
brillait, et c'était le premier jour de juin, dans la plus
belle ville de France, Paris.
Était-il
possible que quelque chose aille mal ?
Nous
prîmes l'ascenseur pour aller à l'étage supérieur
et attendre l'opération. Mon compagnon de chambre était
un gentleman, Monsieur Fleurin qui parlait anglais et avait la
soixantaine avancée. Sa femme lui rendait visite. Son père
était un Américain arrivé en France comme soldat
pendant la Première Guerre, et il était resté.
Son anglais était excellent. Son épouse essaya aussitôt
de me rassurer et réconforta ma femme effrayée. Madame
et Monsieur Fleurin étaient des gens parfaitement exquis et
pleins de compassion pour nous étrangers, totalement apeurés.
Il
était à peu près midi. Après un
tourbillon d'activité, tout redevint calme. Le lit que l'on
m'avait donné n'avait pas d'oreiller, aussi Beverly fit un
rouleau de draps pour surélever ma tête. C'était
le début de l'attente de la chirurgie, et la douleur aiguë
augmentait graduellement. Des rafales de douleurs violentes, comme
des coups de couteau, se diffusaient dans mon thorax. Elles me
coupaient le souffle. Les docteurs me dirent de rester couché
le plus tranquillement possible, pour ne pas provoquer d'écoulement
de suc gastrique et d'autres sucs qui corrodaient mes
entrailles.
Ce
que je ne savais pas était qu'à cette époque,
pendant les week-ends, les hôpitaux parisiens étaient en
sous-effectif ! La plupart des docteurs étaient en
vacances au bord de la mer ou à la campagne. J'ai appris plus
tard qu'il n'y avait eu qu'un seul chirurgien de garde dans
tout l'hôpital ! Lui seul pouvait opérer 
seul pouvait prescrire un quelconque médicament. Je n'ai
jamais vu le chirurgien ce jour-là, et comme les infirmières
n'ont pas autorité à donner des médicaments,
elles étaient impuissantes à faire quoi que ce soit
dans ma situation qui s'aggravait.
Dans
la salle d'urgence, ils avaient mis en place le large tube de
caoutchouc, passant par mon nez jusqu'à mon estomac, pour
aspirer tous les fluides digestifs. Il m'était très
difficile de parler et ma bouche devint très sèche 
elle avait un goût de caoutchouc. Et je n'avais pas le droit de
boire quoi que ce soit pour apaiser ma sécheresse.
La
douleur au centre de mon abdomen empirait. Le tourment irradiait dans
ma poitrine et jusque dans mon pelvis. Rester pelotonné en
position fœtale, c'était la seule manière
d'empêcher la brûlure d'irradier plus loin dans mes
extrémités. Des larmes coulaient sur mes joues en
raison de la douleur. Le seul son que je pouvais émettre était
un gémissement occasionnel, comme un animal. Quand j'essayais
de marcher, cela agitait mon abdomen et amplifiait la douleur. Il
valait mieux rester couché parfaitement calme et me centrer
sur le fait de respirer le plus calmement possible.
Et
les minutes s'écoulaient en paraissant des heures.
Aucun
docteur ne vint.
Quand
une infirmière entrait dans la pièce, je lui demandais
de la morphine. Mais les infirmières ne pouvaient rien faire.
Comme elles ignoraient mes demandes, je priais Monsieur Fleurin de
demander pour moi. Je disais aux infirmières que j'étais
en train de mourir, et j'avais dit la même chose à
Monsieur Fleurin. Au milieu de l'après-midi, l'infirmière
dit qu'elle allait contacter un médecin pour voir ce qu'ils
pouvaient faire et me donner une injection de « relaxant
gastrique ». Il n'eut pas le moindre effet. Pendant
tout ce temps, Beverly ou moi posions des questions aux infirmières
sur l'opération, et elles nous disaient qu'elle serait
réalisée dans l'heure.
Au
début de l'après-midi, l'effet de la morphine avait
complètement cessé. La douleur brûlante empirait
continuellement. Mon estomac me donnait l'impression d'être
plein de charbons ardents. Des flashes incandescents de douleur
intense fusaient dans mes bras et mes jambes. Je continuai à
dire en français que j'étais en train de mourir et je
demandai sans cesse de la morphine. Je pensai aussi que je devrais
être inconscient vu mon état. Rien dans ma vie ne
m'avait préparé à cette intense agonie. Pourquoi
est-ce que je ne m'évanouissais pas ? Qu'avais-je fait
pour mériter cela ?
L'infirmière
devint de plus en plus impatiente du fait de nos questions et de nos
demandes. Beverly s'entendit dire que si elle ne cessait pas, elle
serait mise à la porte de la chambre. Ma pauvre jolie femme ne
pouvait rien faire pour moi, ni trouver quelqu'un pour m'aider. Elle
était parfaitement consciente qu'elle était en train de
me perdre, et il n'y avait rien qu'elle put faire en dépit de
toutes ses demandes.
Avec
le recul, je réalise que ce sordide manque d'attention ne
résultait pas de la malignité, mais plutôt d'une
inaptitude et d'une indifférence bureaucratique. Je réalise
aussi que n'ayant pas exprimé plus dramatiquement l'agonie que
je vivais, l'équipe médicale n'avait pas réalisé
toute l'étendue de ma crise.
En
effet, toute ma vie a été celle d'un stoïcien
auto-suffisant. Je croyais que je n'avais besoin de l'aide de
personne. Je pouvais faire n'importe quoi. Je pouvais le faire, je le
pensais. Dans ma douleur extrême, les secondes semblaient des
minutes et les minutes des heures. Minute après minute,
seconde après seconde, les heures du temps passaient.
À
vingt heures, ce soir-là, la douleur était devenue
totalement intolérable. J'étais dans le même lit,
dans la même position, dans la même chambre depuis midi,
toujours sans avoir vu un docteur. La douleur n'avait plus ces
fluctuations, mais ne faisait qu'empirer. Les sucs gastriques
s'écoulant de mon estomac jaillissaient dans ma cavité
abdominale et me dévoraient littéralement de
l'intérieur. Le tourment desséchant gagnait en sévérité
et je m'affaiblissais. Respirer était presque impossible.
J'essayais d'investir la moindre énergie dans l'inhalation ou
l'exhalaison pour rester en vie. Il était très clair
pour moi que je devais absolument continuer à respirer pour
rester en vie. Point.
J'étais
tellement affaibli par l'épreuve que je savais qu'il ne me
restait que très peu de résistance.
Je
continuais cependant à penser que ce n'était pas la
manière dont c'était supposé finir. J'étais
en train de m'éteindre dans un hôpital à Paris et
personne ne se souciait de mon agonie.
Pourquoi ?
Qu'est-ce
qui arrivera à ma femme, mes deux enfants, mes peintures, ma
maison, mon jardin – toutes les choses dont je m'étais
occupé ? J'avais 38 ans et je commençais tout
juste à atteindre quelque renommée en tant qu'artiste.
Tout mon travail, toute ma lutte aboutissaient-ils à ça ?
J'étais
devenu si faible que je pouvais difficilement lever ma tête ou
parler. Beverly semblait épuisée, totalement vidée
par l'émotion. Je ne voulais pas lui dire que je pensai que ma
fin était proche. Je lui dis que je ne pouvais tenir plus
longtemps. J'avais vu qu’il faisait nuit noire par la fenêtre
de la chambre nue de l'hôpital.
Plus
tard, une fois rentré aux Etats-Unis, des docteurs américains
m'ont dit qu'à partir de l'instant de la perforation, mon
espérance de vie était approximativement de cinq
heures. L'état dans lequel je me trouvais était
comparable à celui d'une crise d'appendicite.
Vers
neuf heures du soir, une des infirmières entra dans la
chambre. Elle dit que le docteur était rentré chez lui
et que l'opération ne pourrait être pratiquée
avant le lendemain matin. Je sus que je ne survivrais pas jusque-là.
Dix heures s'étaient écoulées depuis que le trou
dans mon estomac s'était formé. J'avais lutté
aussi longtemps et aussi durement que j'ai pu pour rester en vie. Il
ne me restait rien. Il m'était impossible de rassembler mes
ressources pour respirer encore.
Je
savais maintenant que j'étais en train de mourir. Je savais
que mourir était la seule voie menant hors de ce monde de
douleur.
Mourir
était la chose la plus simple du monde. Tout ce que j'avais à
faire, c'était cesser de lutter pour inspirer, expirer. Je me
tournai vers Beverly qui avait pleuré pendant des heures, et
je ne l'avais jamais vue aussi bouleversée. Luttant contre les
flots de larmes, je lui dis que je l'aimais beaucoup. Je lui dis que
c'était fini. Nous nous dîmes adieu. Je n'avais pas le
courage ou la ressource d’en dire plus. Elle se leva de la
chaise à côté du lit et m'entoura de ses bras.
Elle m'embrassa et me dit qu'elle m'aimait et qu'elle m'aimerait
toujours, puis elle me dit au revoir. Elle se rassit et pleura du
plus profond de son être.
En
me disant à moi-même « Finissons-en
maintenant », je fermai les yeux. La dernière
chose que je vis furent les épaules de ma femme secouées
par les sanglots et ses mains pressées sur ses yeux quand
j'entrai dans l'oubli. Je savais que ce qui allait se passer,
ensuite, ce serait la fin de toute espèce de conscience ou
d'existence. Je savais que c'était vrai. L'idée d'une
quelconque vie après la mort n'avait jamais effleuré
mon esprit parce que je ne crois pas à ce genre de choses.
Je savais avec certitude qu'il n'y a rien après la mort. Seuls
les simples d'esprit croyaient en ce genre de choses. De plus, je ne
croyais pas en Dieu, ni au ciel, ni à l'enfer, ni en d'autres
contes de fées.
J'appareillai
vers les ténèbres, un sommeil dans l'annihilation.
~ 2 ~
La
descente
Je
me levai. Et j'ouvris les yeux pour voir pourquoi je me levais... Je
me trouvais entre les deux lits dans la chambre de l'hôpital.
Quelque chose n'allait pas. Pourquoi étais-je vivant ?
J'avais voulu oublier, échapper à la douleur qui me
consumait en entier, insupportable.
« Est-ce
que ça pourrait être un rêve? »
continuai-je à penser. « Cela doit être un
rêve ». Mais je savais que ce n'en était
pas un. J'étais conscient que je me sentais plus alerte, plus
vigilant et plus vivant que jamais je ne l'avais jamais été
de toute ma vie. Tous mes sens étaient extrêmement
développés. Tout autour de moi et en moi était
vivant. Les plaques de linoleum par terre étaient éclatantes
et douces, et mes pieds nus m'envoyaient une sensation moelleuse et
collante à leur contact.
La
lumière brillante de la pièce illuminait chaque détail
d’une clarté cristalline. Un mélange d'odeur
d'urine éventée, de sueur, de résidus d'eau de
Javel des draps et de peinture d'émail remplissait mes
narines. Les sons de ma respiration et le sang coulant à
travers mes veines bourdonnaient dans mes oreilles. La surface de ma
peau picotait avec la sensation de l'air passant au-dessus d'elle. Ma
bouche avait un goût éventé et était
sèche. Il était bizarre de sentir que tous mes sens
étaient exacerbés et alertes, comme si je venais de
naître. Des pensées se bousculaient à travers mon
esprit: « Ce n'est pas un rêve. Je suis plus
vivant que je ne l'ai jamais été ».
Ceci
est trop réel. Je serrai les poings et je fus étonné
de voir combien je sentais davantage. Je pouvais sentir les os dans
mes mains, les muscles qui s'étendaient et se contractaient,
la peau pressée contre la peau. Je touchai mon corps avec mes
mains en différents endroits et tout était intact,
vivant. Ma tête, mes épaules, mes bras, mon abdomen, et
mes cuisses étaient tous intacts. Je me pinçai et j'eus
mal. J'étais conscient de mon problème à
l'estomac, mais il n'était pas aussi grave qu'avant. C'était
plutôt le souvenir d'une douleur. J'étais profondément
conscient de ma situation et de la nécessité d'avoir
une opération dès que possible. Sous tous les aspects,
j'étais plus vivant que je ne l'avais jamais été
de ma vie.
Je
regardai mon compagnon de chambre, Monsieur Fleurin: ses yeux étaient
à moitié fermés. Je me tournai et regardai
Beverly assise sur la chaise près de mon lit. Elle était
immobile, regardant fixement le sol. Elle paraissait physiquement
épuisée par le chagrin. Je lui parlai mais elle ne
sembla pas m'entendre. Elle était assise et restait absolument
immobile. Je cessai d'essayer de parler avec elle pour un moment
parce que quelque chose qui se trouvait entre nous attira mon
attention.
Dans
le lit, sous le drap, il y avait quelqu’un.
Quand
je me penchai pour voir le visage de la personne dans ce lit, je fus
horrifié de voir sa ressemblance avec mon propre visage. Il
était impossible que cette chose puisse être moi parce
que je me tenais au-dessus d'elle et parce que je la regardais. Je
baissai le regard sur la reproduction de mes mains, de mes bras, de
mon torse, de mes jambes et de mes pieds sous ce drap. Il ressemblait
à mon visage, mais il avait l'air dépourvu de
signification, comme une coquille vide et sans vie.
J'étais
debout, là, près du lit et je regardais le corps dans
le lit. Tout ce qui était moi, ma conscience, et mon être
physique, se tenait à côté du lit. Non, ce
n'était pas moi allongé dans ce lit, c'était
juste une chose qui n'avait aucune importance pour moi. Elle aurait
tout aussi bien pu être un paquet de viande du supermarché.
L'impossibilité
de la situation fit chanceler mon esprit. J'avais dû devenir
fou. Quelque part, j'avais dissocié mon être en deux
parties, j'étais schizophrène, complètement fou,
délirant. Mais je ne m'étais jamais senti plus alerte
et conscient. Je voulais désespérément alerter
Beverly, et je commençai à crier devant elle pour dire
quelque chose, mais elle resta de marbre sur la chaise à côté
du lit. Je hurlai et tempêtai contre elle, mais elle se
contenta de m'ignorer. J'avais beau crier de toutes mes forces ou la
maudire, elle n'avait pas de réaction : ses yeux ne
clignaient même pas !
Il
était impossible qu'elle ne puisse pas entendre mes
hurlements.
Je
me tournai vers Monsieur Fleurin dans le lit derrière moi. Je
me penchai sur lui et criai à quelques pouces de son visage :
« Pourquoi m'ignorez-vous ? ». Il
regardait directement à travers moi comme si je n'étais
pas là. Je pus voir mes gouttelettes de salive frappant son
visage pendant que je criais. Il regardait fixement à travers
moi comme si j'avais été transparent. Rien ne se
passait normalement. J'éprouvai un sentiment croissant
d'angoisse... Et là, la colère, la peur et la confusion
s'emparèrent de moi.
La
pièce de l'hôpital était brillamment éclairée.
Tout était extrêmement clair. Les détails étaient
marqués et distincts. Chaque nuance du linoleum, chaque bosse
dans la peinture sur les lits de métal étaient
agrandies. Je n'avais jamais vu le monde avec une telle clarté
et une telle exactitude. Chaque chose était tellement marquée
qu'elle en était surabondante. Mon sens du goût, du
toucher et de la température explosait. Le goût
dans ma bouche était affreux parce qu'il était
surpuissant.
« Qu'est-ce
qui m'arrive ? C'est si réel ! Mais comment est-ce
possible ? ». Peut-être, pensai-je, ont-ils
fabriqué une réplique en cire de mon corps pendant que
j'étais inconscient ? Ils auraient pu faire un moule à
séchage rapide de mon visage et le mettre sur un mannequin
pendant que j'étais inconscient et le glisser dans le lit.
Mais pourquoi ? Est-ce une sorte de test pour voir comment je
réagirai ? Cela n'a aucun sens. Mais comment autrement
cela aurait-il pu se passer ?
Au
loin, à l'extérieur de la pièce, dans le hall,
j'entendis des voix qui m'appelaient : « Howard,
Howard » disaient-elles. C'était des voix
plaisantes, masculines et féminines, jeunes et vieilles, qui
m'appelaient en anglais. Personne parmi les gens de l'hôpital
ne parlait aussi bien l'anglais 
prononcer correctement le prénom Howard. J'étais
complètement désorienté. Beverly et Monsieur
Fleurin ne semblaient pas les entendre. Je demandai alors qui elles
étaient et ce qu'elles voulaient.
– Viens
ici, dirent-elles. Allez, dépêche-toi. On t'a attendu
longtemps...
– Je
ne peux pas, dis-je. Je suis malade. Quelque chose ne va pas en moi 
il y a quelque chose de détraqué. J'ai besoin d'une
opération. Je suis très malade !
– On
peut arranger ça, dirent-elles, si tu te dépêches.
Ne veux-tu pas te sentir mieux ? Ne veux-tu pas d'aide ?
J'étais
dans un hôpital inconnu, dans un pays étranger, dans une
situation extrêmement bizarre, et j'étais effrayé
par ces gens qui m'appelaient. Ils étaient irrités par
mes questions qui n'avaient pour but que de savoir qui ils étaient.
L'entrée
semblait bizarre quand je m'avançai vers la porte. J'avais le
sentiment que si je quittais la pièce, il me serait impossible
de revenir. Mais je ne pouvais pas communiquer avec ma femme, ni avec
mon voisin de chambre. Les voix continuèrent à dire :
« Nous ne pourrons pas t'aider si tu ne viens pas
ici ».
Après
plusieurs questions restées sans réponse, je supposai
qu'ils devaient être là pour me préparer à
mon opération. Qui d'autre cela pouvait-il être ?
Je décidai alors de les suivre plutôt que de rester dans
une pièce où tout le monde m'ignorait. Après
tout, j'avais besoin de la chirurgie. J'allai
donc dans le hall, empli d'anxiété. L'espace semblait
éclairé mais très brumeux, comme un écran
de télévision avec une réception terriblement
mauvaise.
Je
ne pus distinguer aucun détail. Je me trouvais comme dans un
avion traversant des nuages épais. Les gens étaient
éloignés et je ne pouvais pas les voir très
clairement. Mais je savais qu'il s'agissait d'adultes, masculins et
féminins, grands et petits, vieux et jeunes. Leurs habits
étaient gris et très pâles. Quand j'essayai de
m'approcher d'eux pour les identifier, ils se retirèrent très
vite plus profondément dans le brouillard. Je dus donc les
suivre encore plus loin dans l'atmosphère épaisse. Je
ne pus jamais m'approcher d'eux à plus de vingt mètres.
J'avais
de nombreuses questions. Qui étaient-ils ? Que
voulaient-ils ? Où voulaient-ils aller ? Qu'en
était-il de ma femme ? Comment cela pouvait-il être
réel ? Ils ne voulaient pas répondre mais
insistaient pour que je me dépêche de les suivre. Ils me
répétèrent que mes problèmes étaient
sans importance et secondaires. Dans un état de détresse
émotionnelle, je les suivis, traînant mes pieds nus,
avec le souvenir de la douleur dans mon ventre, me sentant bien plus
vivant. J'étais moite de transpiration et très confus,
mais nullement fatigué. Je savais que j'avais un problème
qui devait être traité correctement. Ils apparaissaient
comme mon seul espoir.
Chaque
fois que j'hésitais, ils me demandaient de continuer. Ils
répétaient la promesse que si je les suivais, mes
troubles prendraient fin. Nous marchâmes et marchâmes
encore, et mes questions répétées étaient
écartées. Ils insistaient pour que nous nous hâtions
d'arriver à notre destination.
Pendant
le trajet, je tentai de compter combien il y avait de personnes et de
comprendre quelque chose sur leur identité, mais je n'y
arrivai pas. Le brouillard s'épaissit pendant que nous
avancions, et devint progressivement plus sombre. Ils bougeaient
autour de moi et leur nombre semblait avoir augmenté. Je ne
savais pas dans quelle direction nous allions. Je pensai que nous
avions fait des kilomètres. J'avais l'étrange capacité
de regarder de en arrière temps en temps et de voir à
travers la porte de la pièce de l'hôpital, bien qu'elle
soit de plus en plus petite. Le corps était toujours là,
couché immobile sur le lit, et Beverly toujours assise et
toujours aussi choquée qu'elle l'avait été quand
cette expérience surréaliste avait
commencé.
Il
semblait y avoir plusieurs kilomètres, mais je pouvais
continuer à la voir malgré cette distance. Pendant tout
le temps où nous progressions, je tentai de glaner des
informations sur l'endroit où nous nous rendions en avançant
sur ce revêtement. Il n'y avait aucun mur. Le plancher ou le
sol n'avait aucun caractère, pas plus que je ne sentais une
inclinaison ou une déclivité. On avait l'impression de
marcher sur un plancher lisse, un peu humide, mou. Comment le hall
d'entrée de cet hôpital pouvait-il être aussi
long ? Comment ce même plan invariable pouvait-il
continuer tout ce temps ? Quand monterions-nous ou
descendrions-nous ? J'avais parfois le sentiment étrange
que nous devions descendre subtilement.
Je
ne pouvais pas non plus évaluer combien de temps s'était
écoulé. J'avais une sensation profonde d'intemporalité.
C'était étrange car en tant que professeur, j'étais
capable d'estimer combien de temps j'avais parlé. Je savais
seulement qu'il semblait que nous avions marché pendant très
longtemps. Je continuais à demander quand nous allions arriver
à destination. « Je suis malade »
leur disais-je, « Je ne peux pas y arriver ».
Mais
ils se mirent de plus en plus en colère et devinrent
sarcastiques : « Si tu arrêtais de te
lamenter et de geindre, nous y parviendrons »
disaient-ils. « Bouge, allons-y, dépêchons ! »
Plus
je posai de questions et devenais suspicieux, plus ils devenaient
antagonistes et autoritaires. Ils chuchotaient sur mes fesses qui
n'étaient pas couvertes par ma blouse d'hôpital, et sur
mon apparence pathétique. Je savais qu'ils parlaient de moi,
mais quand j'essayai d'écouter, ils se disaient : « Chut,
il peut vous entendre, il peut vous entendre ». Ils ne
semblaient pas savoir ce que je pensais, pas plus que je ne savais ce
qu’ils pensaient. Ce qui était de plus en plus clair,
c'est qu'ils me trompaient et que plus je resterai avec eux, plus la
distance à parcourir serait longue.
Dans
la chambre de l'hôpital, une éternité auparavant,
j'avais espéré mourir et mettre un terme au tourment de
la vie. Maintenant, j'avais été invité par une
foule de gens insensibles à suivre une destination inconnue
dans des ténèbres qui s'étendaient à
l'infini. Ils commencèrent à crier et à hurler
des insultes à mon égard, en me demandant de me
dépêcher. Plus je devenais misérable, et plus ils
prenaient de plaisir à voir ma détresse.
Un
terrible sentiment de crainte augmentait en moi.
Cette
expérience était trop
Sur certains points,
j'étais plus vigilant et sensitif que je ne l'avais jamais
été. Tout ce qui arrivait n'aurait pas dû être
possible, et maintenant cela se produisait. Ce n'était pas un
rêve ou une hallucination, mais je souhaitais que ce le fût.
Tout ce que j'avais expérimenté avant ça était
un rêve, comparé à la manière dont je
vivais maintenant la réalité. J'étais apeuré,
épuisé, gelé et perdu. Il m'a paru évident
que l'aide que ces êtres terribles m'avaient promise au début
n'était qu'une ruse pour que je les suive.
J'étais peu
disposé à aller plus loin, mais la moindre hésitation
de ma part entraînait des injures et des insultes. Ils me
disaient que nous étions pratiquement arrivés, de me
taire et de faire quelques pas de plus. Quelques voix essayèrent
un ton de conciliation qui amusa les autres. Parmi elles, je
distinguai une humeur faite d'excitation et de triomphe.
Pendant longtemps,
j'avais marché les yeux baissés pour voir mes pas.
Quand je regardai autour de moi, je fus horrifié de découvrir
que nous étions dans une obscurité totale. Le côté
désespéré de ma situation me submergea. Je leur
dis que je n'irai pas plus loin, de me laisser seul, et qu'ils
étaient des menteurs. Je pouvais sentir leur respiration sur
moi quand ils crièrent et vociférèrent leurs
insultes. Alors ils commencèrent à me pousser et à
me bousculer. Je me mis à répliquer. Il s'ensuivit une
frénésie sauvage de railleries, de hurlements et de
coups. Je me battis comme un chiffonnier. Quand je les bousculai et
leur donnai des coups de pied, ils me mordaient et me déchiraient
en retour. Pendant tout ce temps, il était manifeste qu'ils y
prenaient un grand plaisir. Bien que je ne puisse rien voir dans
cette obscurité, j'étais conscient qu'il y en avait des
douzaines, voire des centaines autour de moi.
Mes tentatives pour
riposter ne firent que provoquer une plus grande joie encore. Quand
je continuai à me défendre, j'étais conscient
qu'ils n'avaient aucun empressement à m'annihiler. Ils
jouaient simplement avec moi comme un chat joue avec une souris.
Chaque nouvel assaut entraînait des hurlements de rires
cacophoniques. Ils commencèrent à déchirer des
parties entières de mon corps. Avec horreur, je réalisai
que j'étais mangé vivant, méthodiquement,
lentement, si bien que leur distraction allait durer très
longtemps. Et comme je ne pouvais pas voir dans cette obscurité
totale, chaque son et chaque sensation physique était
enregistrée avec une intensité horrifiante.
Ces créatures
avaient été autrefois des êtres humains. La
meilleure manière dont je puisse les décrire, c'est de
penser au pire des personnages monstrueux imaginaires, dépouillés
de toute compassion. Certains d'entre eux semblaient capables de dire
aux autres que faire, mais je ne peux pas affirmer qu'il y avait une
organisation dans ce désordre. Ils ne semblaient pas être
contrôlés ou dirigés par quelqu'un. Ils étaient
simplement une multitude, guidés par une cruauté sans
limites.
Dans l'obscurité
j'avais un contact physique intense avec eux quand ils
m'assaillaient. Leurs corps avaient la consistance exacte des corps
humains, à l'exception de deux caractéristiques :
ils avaient des ongles très longs et coupants, et leurs dents
étaient plus longues que les dents normales.
Je n'avais jamais été
mordu par un être humain avant eux. Pendant notre bagarre, ils
ne ressentaient aucune douleur. Outre leur manque de sentiments, ils
ne semblaient pas posséder d'habiletés spéciales.
Au début de l'expérience, ils étaient habillés,
mais après, dans nos contacts physiques, je n'ai jamais senti
de vêtements sur eux. Le niveau du vacarme était atroce.
D'innombrables personnes riaient, hurlaient et raillaient. Au milieu
de cette cohue, j'étais l'objet central de leur désir.
Mon tourment les excitait et plus je me défendais, plus ils
étaient heureux.
Au final, je fus
tellement déchiqueté et tellement brisé que je
ne pus leur résister plus longtemps. La plupart d'entre eux
arrêtèrent alors de me torturer parce que je ne les
amusais plus, mais quelque uns continuèrent à me
piquer, à me taillader et me tourner en ridicule.
J'avais été
écartelé.
J'étais couché
là dans l'obscurité, dans cet état misérable.
En fait, je ne décris pas tout ce qui s'est vraiment passé
car il y a des choses dont je ne veux même pas me rappeler.
Ces événements
furent si horribles et perturbants que je ne veux pas m'en souvenir.
Il m'a fallu des années pour essayer d'en oublier une grande
partie.
~ 3 ~
Seul
Alors que je gisais
sur le sol avec mes bourreaux grouillant autour de moi, une voix
émergea de ma poitrine. Elle résonnait comme ma voix,
mais ce n'était pas l'une de mes pensées. Je ne la
prononçai pas. La voix qui avait la sonorité de la
mienne, mais ne l'était pas, me dit : « Prie
Dieu ». Je me rappelle avoir pensé :
« Pourquoi ? Quelle idée stupide. Ça
ne collait pas. Quelle excuse bidon. Couché ici dans
l'obscurité, entouré par ces créatures hideuses
! Je ne crois pas en Dieu. C'est sans espoir, et je suis au-delà
de toute aide possible, que je croie en Dieu ou pas. Je ne prierai
pas, un point c'est tout ». Une seconde fois, la voix
me parla : « Prie Dieu ». Je
reconnaissais bien ma voix, mais je n'avais pas parlé.
Prier
comment ? Prier quoi ? Qui ? Je n'avais jamais prié
de toute ma vie d'adulte. Je ne savais pas comment prier. Je n'aurais
pas su dire les bons mots, même si j'avais voulu prier. Je ne
peux pas prier ! La voix me redit : « Prie
Dieu » SUITE DANS
LE LIVRE...
~
Table ~
107
La discussion
117
Le réveil
131
Lisa et Clarence
137
Renvoyé
147
Le prochain pour le ciel
157
Les Limbes
173
Raconter l'histoire
179
Une seconde chance
179
Anges
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Pèlerin
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